Levée au petit matin, je quitte la maison à 7h25 pour enchaîner RER B+RER A et avoir une chance d’être dans mon bureau vers 8h45, et me mettre à travailler au plus vite. Je commence par dépouiller le courriel arrivé pendant la nuit depuis les États-Unis.
9h15 : J’essaye de me concentrer sur l’article que je dois rendre… il y a une semaine pour le projet ANR auquel je participe.
9h30 : Appel téléphonique d’une collègue en Allemagne qui vient de se faire retoquer son troisième projet national et européen ; elle me demande si je veux bien relire le nouveau projet qu’elle voudrait déposer d’ici la fin de la semaine. J’accepte… il faut bien s’entraider. 5 minutes plus tard, le projet arrive dans ma boîte mail : 15 pages à relire en urgence.
10h00 : l’étudiant de Master 1 auquel j’avais donné rendez-vous pour choisir son sujet de mémoire arrive, ponctuel. Nous discutons, je lui prépare une bibliographie, il m’interroge sur les séminaires à suivre. Comme il n’y a pas de cours en France sur la spécialité très pointue qui est la mienne et sur laquelle il veut travailler, j’organise pour lui, et pour un autre étudiant de Master 2, des cours privés dans mon bureau, 2 heures tous les quinze jours toute l’année qui débuteront la semaine prochaine. Cours bénévole bien sûr, et pas reconnu par l’Université, donc non validant pour ces deux étudiants… qui trouveront cela désolant !
11h00 : L’étudiant est reparti et je contrôle mon mail. Un jeune collègue espagnol m’envoie un courriel pour me rappeler de lui écrire une lettre de recommandation car il postule sur un post-doc aux États-Unis. Me revient en mémoire que je dois aussi écrire une lettre de recommandation pour une doctorante de mon équipe qui postule dans le cadre de la convention CNRS – Danish National Research Foundation pour un séjour d’étude de deux semaines à Copenhague ; je lui ai déjà relu et corrigé son dossier de candidature. Je dois aussi faire l’expertise d’un projet pour le Fonds National Belge de la Recherche Scientifique… ce sera pour demain.
11h25 : D’autres courriels sont arrivés entre-temps. Une demande d’animation d’atelier lors des Journées du Patrimoines sur le campus universitaire. Un « doodle » à remplir pour une réunion d’équipe. Six dossiers à évaluer pour une mission doctorale sur la Maison d’Initiation et de Sensibilisation aux Sciences.
11h50 : L’éditeur Oxbow Books m’envoie les épreuves de 13 articles, la moitié de l’ouvrage que je suis en train d’éditer, actes d’un colloque international que j’ai co-organisé l’an passé. Il faut relire avec attention ces troisièmes épreuves car tous les caractères diacritiques avaient disparus dans les précédentes épreuves.
12h40 : J’ai relu deux articles et j’ai trouvé de nouvelles erreurs introduites par l’éditeur. Une collègue toque à la porte : « on déjeune » ? Je prends mon « tupperware » et rejoins quelques collègues dans la salle des doctorants et salle de cour pour le déjeuner. Certains sortent leur sandwich qui vient tout droit de la machine du rez-de-chaussée, d’autres font chauffer leur plats décongelés ou faits maison dans le micro-onde généreusement offert par un étudiant qui a déménagé.
13h00 : Retour à mon bureau. Il faut que je commence à prendre les billets d’avion et les réservations d’hôtel pour les 25 collègues d’Amérique, d’Europe et d’Asie qui viennent participer au « European Science Foundation Exploratory Workshop » que j’organise dans 4 mois. En l’absence de secrétariat, je dois tout faire moi-même. J’ai déjà échangé de nombreux mails avec les collègues pour récupérer leurs numéros de passeport, date de naissance, adresse personnelles… Ils sont très étonnés que je me charge moi-même de ces détails pratiques. Je me bats ensuite avec le « Portail Simbad » (agence de voyage, marché du CNRS) qui ne trouve pas de vol depuis Catania en Sicile ou qui ne sait pas faire une réservation de train Saragosse – Madrid + une réservation d’avion Madrid – Paris. En parallèle je dois remplir tous les ordres de mission pour être certaine que le service de gestion de mon UMR validera les billets avant que la réservation ne tombe. Je dois aussi penser au traiteur pour les pauses-déjeuners, à la commande pour les pauses-café, etc.
14h30 : Je n’ai réussi à passer que 4 missions, deux ayant finalement nécessité l’intervention de l’agence. Je file à mon rendez-vous avec la direction de la Maison de Recherche qui héberge mon unité afin de négocier la prise en charge de la gestion du GDRI que j’ai déposé… à condition bien sûr que ce dernier soit financé. En effet, le service de gestion de mon UMR, submergé de projets à gérer, refuse de prendre en charge les GDRI.
15h15 : J’ai juste le temps de filer à la gare, sauter dans un RER puis un métro pour rejoindre les locaux de l’université parisienne qui abrite le projet financé par l’ERC advanced grant auquel je participe en tant que membre du bureau.
16h00 : Je retrouve mon doctorant américain dont la thèse est financée par le programme ERC. Il est en fin de contrat, doit finir sa thèse dans moins d’un mois et donc j’occupe tous mes trajets de RER à relire ses chapitres.
17h00 : Réunion éditoriale du programme ERC advanced grant : nous avons 4 ouvrages en chantier issus de la première phase de 18 mois du projet. Nous discutons longuement chaque article afin de les transformer en chapitres d’ouvrages cohérents.
19h00 : Retour par les transports en commun, une heure de trajet.
20h00 : Un peu de vie de famille, repas partagé, discussion avec les adolescents.
21h30 : Retour à mon bureau à la maison. Je réponds de nouveau à quelques mails. Note les dates des prochaines réunions.
22h00 : Retour sur l’article sur lequel j’ai travaillé 15 minutes ce matin… Je vais enfin pouvoir l’avancer…
00h30/1h00 : J’éteins mon ordinateur, demain… tout à l’heure, le réveil sonne à 6h45.
Cécile Michel
Il y a encore quelques siècles (pas plus de deux) des gouvernants commandaient à grands frais à des scientifiques des études qui participaient à leur prestige et à celui de leur pays.
Signe des temps qui changent, les chercheurs d’aujourd’hui (les doctorants et les jeunes docteurs peut-être encore davantage que les autres) se sentent comme un poids plutôt que comme une chance pour la société dans laquelle ils évoluent.
En effet, outre les diverses difficultés financières, matérielles et humaines auxquelles nous sommes confrontés, difficultés dont le milieu de la recherche est loin d’avoir le monopole, c’est l’indifférence et parfois le mépris pour notre travail et de manière générale l’absence de mise en valeur du diplôme de doctorat qui est peut-être le plus difficile à supporter.
C’est pourtant mal connaître les compétences que permet d’acquérir la réalisation d’une thèse de doctorat. Car outre l’apport concret de nos recherches, nous apprenons à comprendre et analyser, nous maîtrisons la démarche scientifique, nous apprenons à travailler aussi bien seul qu’en équipe, nous pratiquons de plus en plus l’interdisciplinarité, curieux et sans cesse contraints (par nos données aussi bien que par le contexte dans lequel nous évoluons), nous sommes inventifs et volontaires. Nous acquérons de nombreuses compétences qui ne font que trop rarement l’objet de reconnaissances.
Alors outillez-vous ! Utilisez-nous !
Halte au dictat de la recherche sur projets qui n’envisage que le court terme et fabrique des précaires !
Halte à la compétition stérile que l’on cherche à nous faire passer pour de la saine émulation !
Assez de l’excellence dont on nous rebat les oreilles : on n’en peut plus !
Assez de cette science-scoop qui est à la science ce que la communication est à l’information !
Assez de tous ces nouveaux sigles (ANR, HCERES ex-AERES, labex, idex….) qui dévorent notre temps et cachent un appauvrissement de la recherche !
Qu’on nous laisse travailler en paix ! On veut du temps et de la durée pour mener une recherche approfondie et sereine !
Bien que mes études se soient déroulées dans des conditions privilégiées, j’ai rapidement constaté que je faisais partie d’une minorité et que mes camarades de promotion devaient bien souvent partager leur temps entre l’université et un travail salarié. À l’issue de mon second Master, réalisé afin d’augmenter mes chances d’obtenir une bourse de thèse, j’ai finalement obtenu un contrat doctoral, non sans difficulté et dans une ambiance de concurrence assez malsaine.
Actuellement en troisième et dernière année, et bien que disposant d’un bon dossier, j’envisage déjà ma reconversion dans un autre secteur à l’issue du doctorat. En effet, mes chances d’obtenir une bourse de recherche post-doctorale sont limitées et celles d’intégrer un jour le CNRS sont pratiquement inexistantes. Par ailleurs, les conditions de travail des doctorants et post-doctorants sont lamentables, malgré toute la bonne volonté des équipes d’accueil. Les chercheurs titulaires sont à peine mieux lotis.
Si j’ai depuis toujours la vocation de la recherche et que je suis prête à ne pas compter mes heures, à sacrifier ma vie personnelle et à subir des réflexions du type « Et sinon, quand est-ce que tu trouves un vrai travail ? », je ne suis pas prête à le faire bénévolement toute ma vie. Je demande donc aux parlementaires de réorienter le Crédit d’Impôt Recherche vers l’Enseignement Supérieur et la Recherche, afin de ne pas être obligée de repartir à zéro à l’issue de mon bac + 9.
Posez la question en France, on vous répondra : « c’est un médecin ». Parce qu’être docteur ès-sciences n’a pratiquement aucun sens dans notre pays. Certes, quelques cocoricos retentissent sur les ondes quand un prix Nobel est attribué à un.e Français.e, mais quelques jours plus tard à peine ils ont déjà replongé dans les profondeurs de l’inconnu.
Pas de reconnaissance publique des docteurs dans un monde ultra-médiatisé : les émissions de grande écoute leur préfèrent bien souvent des spécialistes autoproclamés. Pas de reconnaissance professionnelle : un maître de conférences ne gagne pas plus qu’un professeur agrégé du secondaire et nettement moins qu’un professeur de classe préparatoire. Sans mettre aucunement en doute leurs qualités, mener à son terme une thèse démontre des capacités et donc une qualification supérieure qui mérite reconnaissance, les docteurs étant bien souvent par ailleurs des agrégés du secondaire. Pas de temps pour poursuivre à fond ses recherches : ces dernières décennies l’université s’est transformée en école secondaire supérieure accueillant la masse des nouveaux bacheliers de tout poil, d’autre part en école professionnelle appliquée, et ceci sans structure administrative adaptée. Aux docteurs de tout faire: administrer leur département, rechercher et suivre les stages, remplir des dossiers administratifs sans fin pour tout et, en même temps, assurer enseignement et recherche.
La plus-value de l’université est justement le lien enseignement-recherche. Les manuels tout prêts n’y sont qu’un fond sur lequel les enseignants apprennent à suivre l’évolution d’une discipline, d’un problème grâce aux publications, aux conférences et séminaires où se confrontent les idées nouvelles. Et quand ils jugent qu’une nouvelle étape est franchie, ils publient l’ouvrage qui en témoignera. C’est ainsi que se constitue la science, lentement, avec du temps. Sans argent, pas de temps, pas de science : pour les universitaires comme pour tout le monde les journées ont 24h.
L’argent (et le temps qu’il offre) est concentré en France sur les grandes écoles et c’est cette dualité du système d’enseignement supérieur français, unique au monde, qui détruit l’université au sens qu’a ce mot partout ailleurs. Les écoles accueillent les têtes les plus pleines et les mieux ordonnées d’une génération après deux années d’un bourrage de crâne qui exige aussi une résistance psychologique certaine. Elles leur proposent 3 années d’études à but professionnel de haut niveau, accompagnées de nombreux stages, eux aussi de haut niveau, en correspondance étroite avec les objectifs de chacun. Elles ont le personnel nécessaire (l’argent pour le payer correctement) pour suivre individuellement ceux qu’elles appellent encore des « élèves ». Mais quand y apprend-on à constituer le corpus le plus large possible pour étudier à fond une question, à dépouiller ledit corpus, à ordonner la masse d’informations qu’il contient et à en tirer les conclusions qui permettront d’avancer une solution solidement fondée? Quel esprit critique s’y développe?
Combien de docteurs parmi les dirigeants français, économiques et politiques ? Leurs places ont en quelque sorte été données en concession aux grandes écoles. Tous issus de la même formation, dotés des mêmes qualités, au demeurant indéniables, ils pensent tous de la même façon, proposent des solutions pratiquement semblables. Le redressement de la France exige la réflexion, l’originalité, la créativité que seule développe la pratique scientifique de l’université. Donnez aux docteurs la reconnaissance et la place qui leur reviennent : c’est de cette complémentarité que sortiront les solutions dont la France a tant besoin aujourd’hui.
Armelle Groppo, MCF retraitée, ex vice-présidente relations internationales (2002-2004).
Parce qu’il y a eu une réunion du Conseil d’UFR, puis une autre de l’équipe de recherches, puis une AG sur la future COMUE.
Parce qu’il a fallu revoir les maquettes de M, après celles de L.
Parce que je dois écrire une lettre de soutien pour une doctorante, qui demande une aide à la mobilité auprès de la région pour aller travailler à Londres, alors que les régions, pour faire des économies, baissent drastiquement leur soutien à la recherche.
Parce que je cherche quelqu’un pour faire des TD au deuxième semestre, et que parmi le peu de jeunes très qualifiés dans ma discipline, qui a envie de prendre un emploi précaire qui lui payera à peine ou même pas les billets de train pour venir faire des TD, sans aucune perspective d’emploi à la clé ?
Parce que j’ai des responsabilités syndicales au niveau national, et que la décharge horaire (payée par mon syndicat, donc par moi, finalement) ne doit même pas compenser pas la moitié du temps que j’y passe.
Rien de cela n’a beaucoup de rapport avec l’enseignement ni avec la recherche.
Enseignement ?
Les maquettes répondent à des directives tatillonnes et à de grands principes généraux déconnectés des réalités – l’un de ces principes étant de donner le plus de cours possible avec le moins de moyens possible. Ou, par exemple, d’éviter la spécialisation trop précoce en L1 ; constat : les UE transversales ou générales, supposées permettre aux étudiants de L1 de se réorienter, sont vides, car boudées par les étudiants qui, précisément, veulent se spécialiser. Ils ont bien raison : aux niveaux M et D, les étudiants français, faute de spécialisation, sont souvent très en retard sur leurs homologues européens. Mais faire les maquettes, défaire les maquettes, refaire les maquettes et ajuster les maquettes, occupe désormais une part considérable de notre temps.
Depuis combien de temps, dans les universités, n’a-t-on pas parlé de pédagogie – mais seulement d’emplois du temps ou d’occupation des salles ? De toute façon, personne n’a le temps d’y penser. Quand le ministère s’en mêle, c’est pour culpabiliser les enseignants, seuls responsables de l’échec en L, et prôner le tout numérique. Quand on interroge les étudiants en échec, leur explication est souvent très simple : ils travaillent, dès le L1, pour payer des études… qu’ils n’ont plus le temps de faire dans des conditions correctes.
Directives : en L, faire de l’enseignement de masse et faire réussir tous les étudiants qui veulent bien venir à l’université, par choix ou par résignation (mais sans augmentation des crédits, au contraire) ; en D, faire de l’excellence que le monde entier nous enviera (mais sans augmentation des crédits, au contraire) ; entre les deux, en M, diminuer ouvertement les coûts, fermer les séminaires à petits effectifs, regrouper, sans aucun souci des besoins des étudiants. Quelle logique ?
L’enseignement, on l’oublierait presque, consiste (aussi) à préparer des cours. Nous préparons désormais surtout des TD, c’est-à-dire des cours qui ont été renommés « TD », histoire de les payer moins et de nous faire travailler plus pour gagner la même chose. Du coup, le volume horaire de tous les EC a augmenté. Qui croit encore, ou fait semblant de croire, qu’un professeur fait 128 heures de CM par an ? Ses horaires se rapprochent de plus en plus des 192 heures… de CM, mais payées en TD.
Recherche ?
Un jury de thèse il y a quelques jours.
Des master et des doctorats à suivre.
Des projets collectifs, parce que ce sont les seuls financés. Donc trouver de l’argent. La recherche s’est transformée en recherche de crédits, tout le monde le sait et le dit, sans être jamais entendu. Ces dernières années, je n’ai vu personne proposer un projet pour des objectifs scientifiques, sinon sur le papier. Quand on interroge les porteurs de projet, toujours les mêmes réponses : il faut montrer qu’on existe, montrer qu’on est actif, pour être bien vu par les évaluateurs (obsession : être visible depuis Shangai, et si possible depuis la lune) ; montrer qu’il se passe des choses (obsession partagée, depuis la « petite » université « en région » au gros labo parisien) ; et surtout, financer les précaires par la multiplication des petits boulots pour les doctorants et les post-doc.
Bref : plus le temps de faire une recherche de fond, ni une recherche individuelle, si importante en SHS. Plus le temps de lire ce qu’écrivent mes collègues. Qui ne lisent pas davantage ce que j’écris. Inutile de préciser que la qualité de mes publications est inversement proportionnelle à leur quantité (par respect pour mes collègues, je ne parle que de moi !), mais ce n’est pas grave puisque seule la quantité est évaluée.
L’actuelle majorité a la mémoire courte. Elle ne se souvient même plus qu’elle a convoqué, il y a deux ans, des « Etats généraux de la recherche et de l’enseignement supérieur », que personne ne lui avait demandés tant les revendications des universitaires et des chercheurs étaient limpides. Ce qui en est sorti, malgré la volonté d’afficher un consensus mou et de décréter que tout allait bien, ce sont deux idées fortes : fin de l’évaluation permanente (chronophage, subjective et inutile quand elle n’est pas nuisible, car propice à tous les règlements de compte), fin du financement de la recherche sur projets (chronophage et contre-productive en termes scientifiques). Les choix du gouvernement vont exactement dans le sens inverse, dans la continuité des politiques libérales qui ne cessent d’affaiblir l’enseignement supérieur et la recherche.
Jamais les Français n’ont été aussi éduqués qu’aujourd’hui. Cette amélioration générale du niveau de formation se traduit par un intérêt de plus en plus large de la population pour l’Histoire et l’archéologie : il n’est que de regarder la multiplication des magazines historiques présents en kiosque, les chiffres d’audience des émissions traitant de ces questions (je laisse provisoirement de côté la question de la qualité) ou de se rendre à Blois au moment des Rendez-vous de l’Histoire qui attirent chaque année près de 30 000 visiteurs. Cette faim d’histoire, ce questionnement sur les choses du passé, pénètre les universités et les laboratoires du CNRS. Rien n’illustre mieux le goût des Français pour ces matières que ces théâtres municipaux, ces cinémas de quartier ou ces salles de brasseries remplis de gens venus entendre évoquer des thèmes parfois très pointus comme « L’agriculture dans l’Antiquité » ou -pire encore- les « Oasis égyptiennes à l’époque perse ». Alors que l’on déplore la désaffection des Français pour les rassemblements politiques et religieux, les rencontres organisées autour de l’Histoire et de l’archéologie font salles combles. L’auteur de ces lignes serait bien incapable d’expliquer la raison de cet engouement. Il ne fait ici que le constater.
C’est au sein de ce nouvel environnement culturel, dont les nouvelles technologies de l’information ne font que renforcer l’évolution démocratique, que doit être envisagée la mission des historiens et archéologues qui travaillent au sein des Universités et au CNRS. En tant que fonctionnaires, ils ont une mission de service public ; proposer des réponses de qualité aux questions que se pose une population de plus en plus éduquée -donc de plus en plus critique- concernant son histoire et, plus largement, le passé de l’Humanité. Par les recherches qui y sont conduites, la diffusion très large de leurs résultats et leur mise en forme pour un public élargi, l’Université et le CNRS contribuent à l’améliorer la culture historique générale de la population française et font ainsi œuvre de service public. Jamais nous ne serons en mesure évaluer l’impact politique ou économique de ce que nous – historiens et archéologues – faisons. Ce qui est en revanche certain, c’est que le ralentissement de nos activités sous le prétexte que « cela ne sert à rien » se traduirait par un appauvrissement des capacités collectives de tous les Français à se saisir non seulement de leur propre histoire mais aussi de celle des autres. Ce serait, à n’en pas douter, le premier pas d’un déclassement de la France dans le domaine de l’intelligence.
Damien Agut-Labordère – CNRS UMR7041 ArScAn-HAROC
Comme leur nom l’indique, ces sciences sont celles qui étudient l’homme et la société, c’est-à-dire nous. Nous ici et ailleurs, aujourd’hui et hier, dès avant les premiers humains (il y a plusieurs millions d’années) jusqu’à nos jours présents et à venir. Nous en tant qu’être biologique et qu’être social. Dans nos environnements et dans nos histoires particulières. A court terme et sur le long terme. Par nos productions, nos pensées, nos actions, analysées et confrontées sans cesses les unes aux autres.
Aujourd’hui, et depuis une dizaine d’années, ces sciences de l’homme et de la société sont explicitement convoquées par les « stratégies gouvernementales en recherche et innovation » : aide à la décision, évaluation des besoins de consommation (voire leur construction !), études sur l’adaptabilité des populations aux nouvelles technologies, etc. Mais les chercheurs refusent d’être réduits à une fonction utilitaire dans un contexte d’économie marchande, voire de servir de caution d’une idéologie d’autant plus dominante qu’elle n’est pas nommée et paraît « naturelle » !
En effet, et plus fondamentalement, les SHS nous concernent au premier chef car, depuis que l’homme existe, il a commencé à se faire une idée de lui-même, comme en témoignent les vestiges de la préhistoire, ou les écrits des philosophes et des savants de la plus haute antiquité, et du monde entier. Ce qui conduit à des conceptions différentes de la vie et des sociétés selon les lieux, les époques et les conditions.
Cette complexité, sans cesse explorée dans toute sa diversité, est justement une richesse dont nous nous nourrissons. Cette diversité que les chercheurs en SHS précisent et enrichissent sans cesse en explorant les témoignages de tout genre (enfouis ou oraux, matériels ou idéels) et qui nous permettent de construire des grilles de lecture de nous-même, puis de les confronter et de les déconstruire et de les affiner encore en fonction de nouvelles questions posées aux sociétés, c’est-à-dire à nous-même, tant comme individu que comme collectif.
L’exploration de l’histoire des hommes, par l’archéologie, l’ethnologie, les sciences politiques et juridiques, les textes, les mythes et conceptions du monde, les productions matérielles, leurs échanges et distributions, les paysages, les rapports que les hommes et les femmes entretiennent entre eux, avec leurs voisins, avec leur environnement, etc. sont autant de voies pour non seulement connaître les autres, mais aussi nous connaître nous-même. Car cela produit un « effet retour » sur nous-même et sur nos sociétés tel que nous pouvons renouveler en permanence les manières de se comprendre.
Et cet « effet retour » est le matériau de base de la formation de l’esprit critique qui nous permet, chacun et en groupe, individuellement et en collectif, de nous positionner dans le monde, ici et ailleurs. C’est dire à quel point il est fondamental de continuer sans cesse les recherches en sciences de l’homme et de la société, car elles sont profondément humaines et sociales, d’autant plus indispensables à la vie ensemble que les conditions d’existence et de coexistence des sociétés dans le monde évoluent de plus en plus vite.
Il ne peut y avoir de réelle démocratie sans les prises de consciences que seules permettent les connaissances critiques de soi et des autres. En cela, les SHS sont vitales aux humains et à leurs sociétés.
Philippe Soulier
J’ai 35 ans. Je fais partie de cette génération de docteurs qui ne trouve pas de travail dans la discipline pour laquelle j’ai été formée pendant plus de 10 ans à l’université. Je suis archéologue (préhistorienne) et je travaille sur la Libye depuis de très nombreuses années.
Pour pouvoir continuer mes recherches et payer mes factures à la fin du mois, je travaille à temps partiel dans le secteur privé (rémunérée au SMIC). Ce n’est pas faute de postuler dans mon domaine, cependant les offres annuelles se comptent sur les doigts de la main et même en arrivant à la dernière étape de sélection (c’est-à-dire les oraux pour les postes de chercheur et d’enseignant), les opportunités de décrocher un travail sont extrêmement faibles. Pourtant je suis reconnue dans mon domaine de recherches, je suis sollicitée pour des cours à l’université, des fouilles à l’étranger, des colloques et des articles.
Je pourrai écrire plusieurs paragraphes sur ce que l’archéologie a apporté à nos connaissances sur l’histoire de l’homme et des peuples. Ou encore sur l’importance de maintenir une recherche archéologique financée par l’Etat, en rappelant notamment que nous sommes parfois les seuls représentants de la France à l’étranger avec le personnel diplomatique, et que nous contribuons à sa bonne image auprès des instances locales et de la population. Je me contenterai de vous demander d’Imaginer un monde sans archéologie.
Qu’iriez-vous voir au musée ? Qu’iriez-vous visiter en Grèce ? Qu’apprendriez-vous à vos enfants à l’école ? Les valeurs de notre nation se sont construites en grande partie sur notre culture et sur nos recherches passées ; notre avenir dépendra des choix qui vont être faits aujourd’hui.
La France est en train de perdre le rayonnement international qu’elle a su si longtemps émettre grâce aux recherches scientifiques. Ce petit pays qui a souvent été un exemple, un leader intellectuel dans de nombreux domaines, se désintéresse de ses valeurs fondamentales et abandonne ses chercheurs. Beaucoup si ce n’est la majorité des doctorants et des docteurs non seulement travaillent bénévolement pour la France, car l’archéologie est un métier de passion, mais également financent avec leur argent personnel leurs recherches.
Comme tous, je me pose plusieurs fois la question par an : dois-je arrêter ? Dois-je continuer ? Le risque est que nous nous lassons. Nous nous lassons de ne pas être reconnus, d’être dans des situations précaires, qui ne peuvent perdurer éternellement. Et si nous sommes patients de nature, les prévisions pessimistes de notre avenir (de moins en moins de postes et de financements) vont peu à peu tous nous pousser à abandonner. Ce sera l’un des plus beaux gâchis de l’Etat français.
Nos revendications sont non seulement très raisonnables mais également tout à fait réalisables : nous voulons des emplois, c’est-à-dire être payés de retour pour notre contribution
De Faucamberge Elodie – Post-doctorante en Archéologie & Préhistoire
J’ai été recrutée en 2009, six ans après avoir soutenu ma thèse. Ces années, émaillés de quelques contrats d’un à trois mois, ont surtout été financées par des petits boulots « alimentaires » n’ayant rien à voir avec mon domaine. Après cette longue période très difficile où alternaient l’excitation de possibles projets et les déceptions chaque fois qu’ils échouaient, j’ai finalement été recrutée au CNRS comme CR 2. Inutile de dire l’immense bonheur que j’ai ressenti et que je ressens encore d’avoir enfin un poste stable qui me permette de travailler sans me demander ce que je ferai et serai tous les six mois. Travailler au CNRS est une chance exceptionnelle et nos collègues étrangers sont toujours stupéfaits d’apprendre que cette institution reconnue dans le monde entier puisse être menacée.
Je suis archéologue et travaille au Proche-Orient et mes terrains en Syrie et en Iraq sont pour le moins instables. Monter les missions archéologiques à l’étranger relève souvent de l’exploit. Les crédits alloués par le Ministère des Affaires Étrangères et du Développement International ne permettent pas de fonctionner. Il faut donc trouver des ressources ailleurs dans les labos, mais surtout par le mécénat. Cette tâche est extrêmement compliquée car il n’est pas facile de convaincre les grandes entreprises de financer des projets archéologiques autour de sites inconnus. D’un point de vue scientifique, la région où je travaille désormais est extraordinaire car elle est restée à l’écart de tous les grands programmes de fouille, mais d’un point de vue publicitaire et « marketing » elle est difficilement vendable : pas de grandes capitales, pas d’architecture superbement conservée, pas d’objets en matière précieuse. On me dit alors de chercher des financements du côté des appels à projets européens ou ANR. Le cadre très contraignant qu’ils imposent ne nous convient cependant absolument pas. Comment faire entrer un projet archéologique dans les grands défis sociétaux ? Imposer des thèmes de recherche tue la recherche en nous forçant à faire rentrer nos programmes dans des axes choisis par effet de mode et qui ne regroupent qu’une frange infime des domaines de recherche des SHS. Cette politique des projets est d’autant plus incompréhensible qu’elle coute chère. Non seulement nous perdons notre temps à rédiger des dossiers de financement au lieu de faire de la recherche, mais surtout nous sommes contraints pour répondre à ces appels à projets de monter des projets beaucoup plus gros et couteux que ce dont nous avons besoin. Pour être retenus, il faut multiplier les collaborations internationales, les invitations de collègues étrangers, les colloques et annoncer toute une série de « délivrables » (base de données, articles, blogs et autre ouverture de page Facebook). Même s’il est essentiel que l’on en rende des comptes, on a le sentiment que finalement peu importe la recherche pourvu qu’on sache la vendre. Les budgets des missions archéologiques sont très limités et aucun archéologue ne peut être si ce n’est rémunéré au moins dédommagé de l’immense travail fourni. Est-ce vraiment utile de monter une ANR pour deux ou trois mois de vacation, quelques missions et deux ou trois datations carbone 14 ? A mon sens, il faut que le fonctionnement sur la base des crédits récurrents devienne (ou re-devienne) le fonctionnement normal des labos et des programme de recherche et que les gros appels à projets soient réservés à ceux qui en ont vraiment besoin.
29 ans, docteur depuis octobre 2011, je suis actuellement en CDD de recherche en Allemagne. Je viens de terminer mon premier contrat en tant que docteur après 3 ans, étant parti dès le doctorat à l’étranger car c’est la seule possibilité dans mon domaine (la physique théorique des particules) si l’on souhaite continuer durablement dans la recherche académique. Et je continue donc encore, toujours en Allemagne, pour un second CDD, après avoir tenté deux fois le concours de recrutement au CNRS et une fois à un poste de maître de conférences (classé 3e, 1er choix pour la physique des particules dans le laboratoire ciblé).
Pourquoi je ne me vois pas revenir ? Pourquoi un profil tel que le mien, a priori plein de potentialités, passé par l’ENS, se voit être expatrié de façon permanente, émigrer en fait, en Allemagne ? Car l’état de la recherche française se dégrade singulièrement. Il n’a plus d’argent à l’université, cette dernière coupe dans les recrutements, que ce soit en CDD ou pour les rares postes de maître de conférences (celui auquel j’ai candidaté était le 1er ouvert sur tout le territoire français dans ma spécialité depuis 4 ans !) ; le CNRS meurt lentement, recrutant de moins en moins années après années dans tous les domaines, et singulièrement dans le mien ; les projets de recherche sont de plus en plus financés sur appel à projet, pratique totalement contre-productive dans un domaine tel que le mien où la recherche ne peut s’envisager à court terme.
Qu’ai-je en face de tout ça ? Mes conditions de travail et de vie actuels, en CDD en Allemagne, sont bien meilleures que ce que j’obtiendrais en France, aussi bien à l’université en ATER qu’au CNRS sur CDD de recherche : je gagne (bien) mieux ma vie, mon loyer est plus faible, les conditions de travail au laboratoire sont meilleures (finis les bureaux non chauffés l’hiver parce que le bâtiment est en décrépitude !). Mes conditions d’évolution de carrière me semblent déjà meilleures elles aussi, et c’est une surprise et une preuve de la dégradation des conditions de recrutement en France, cette dernière étant réputée recruter plus tôt que dans les autres pays, avec un salaire d’entrée certes inférieur. Or je suis actuellement en attente de la réponse finale à une candidature à un poste de professeur junior en Allemagne, classé dans les 5 derniers encore en lice. Je n’aurais jamais pu candidater à un tel poste en France.
Je ne me plains pas de ma situation, somme toute confortable pour l’instant ; mais j’ai de l’amertume à voir la France, mon pays d’origine, celui qui m’a formé, qui prétend depuis des années placer la recherche et l’innovation au premier rang des priorités, ne pas tenir ses engagements et laisser décrépir le tissu de recherche français. Puisse-je voir un jour des lendemains qui chantent…
Apres 5 ans d’études dans le domaine de la bioinformatique puis de la biologie (génétique, microbiologie, biosanté), j’ai eu la chance de commencer ma carriére professionnelle avec un CDD de 12 mois à l’ANSES où mes travaux ont fait l’objet d’un brevet europpéen pour lequel je suis coauteur, puis j’ai rebondi sur 2 CDD successifs (16 mois au total) à l’INRA en génétique végétale, 1 CDD de 3,5 mois pour aménager un labo de biologie et penser les activités de recherche en biologie d’un labo CNRS de physique des particules (3 voyage en Corée du sud, collaboration avec des équipes Tchèques), 2 CDD en microbiologie à l’INRA (total de 277 mois), puis retour dans le même labo CNRS pour 2 CDD supplémentaires (15 mois au total). Aujourd’hui je suis au chômage, je galère pour trouver un emploi à mon niveau d’étude et je vois le RSA et la pauvreté arrivé de plus en plus vite.
Que vais je devenir ? Qu’elle sera mon futur ? Comment envisager une vie dans ces conditions ?
Des milliers de précaires des labos publiques sont sacrifiées, rien est engagé pour nous titulariser. Pourtant un vaste plan de titularisation, sans passer de concours ou de sélection sur dossier, pourrait en partie aider à faire descendre le chômage
Pourquoi moi ? Pourquoi nous ?
Apres 5 ans d’études dans le domaine de la bioinformatique puis de la biologie (génétique, microbiologie, biosanté), j’ai eu la chance de commencer ma carriére professionnelle avec un CDD de 12 mois à l’ANSES où mes travaux ont fait l’objet d’un brevet europpéen pour lequel je suis coauteur, puis j’ai rebondi sur 2 CDD successifs (16 mois au total) à l’INRA en génétique végétale, 1 CDD de 3,5 mois pour aménager un labo de biologie et penser les activités de recherche en biologie d’un labo CNRS de physique des particules (3 voyage en Corée du sud, collaboration avec des équipes Tchèques), 2 CDD en microbiologie à l’INRA (total de 277 mois), puis retour dans le même labo CNRS pour 2 CDD supplémentaires (15 mois au total). Aujourd’hui je suis au chômage, je galère pour trouver un emploi à mon niveau d’étude et je vois le RSA et la pauvreté arrivé de plus en plus vite.
Que vais je devenir ? Qu’elle sera mon futur ? Comment envisager une vie dans ces conditions ?
Des milliers de précaires des labos publiques sont sacrifiées, rien est engagé pour nous titulariser. Pourtant un vaste plan de titularisation, sans passer de concours ou de sélection sur dossier, pourrait en partie aider à faire descendre le chômage.
Malheureusement je pense qu’il n’y a rien a attendre de la France. On nous a fait faire des etudes seulement pour enrayer la montee du chomage… Gauche et droite ont joue la meme politique. Pour eux l’uni n’est que le vase de compensation du chomage… Evidemment maintenant ce systeme a atteint ses limites et le systeme est engorge… Il n’ont aucune intention de creer des postes pour nous evidemment. Heureusement il reste les etats unis pour nous employer. C’est notre seule chance. En meme temps vous vous plaignez mais pour qui votez vous??? Ceux qui ont mis en place ce systeme comme le font la majorite des chercheurs d’ailleurs… Alors il y a un moment ou il faut aussi regarder ses propres erreurs.
A mon tour de laisser un témoignage, il vaut ce qu’il vaut, mais je crois qu’il témoigne d’une forme commune de résignation.
Ici et là, nous dénonçons collectivement le manque de poste, le manque de moyens, la gestion désastreuse de la recherche, la déconsidération de l’enseignement… J’ai un doctorat en sciences humaines et sociale, dans une spécialité qui recrute peu. A la sortie du doctorat, j’étais certain de vouloir devenir enseignant-chercheur : la pédagogie, la transmission me font autant vibrer que la recherche. J’ai décliné les propositions de soutien pour le concours CNRS.
Je connaissais déjà la situation ubuesque de l’enseignement-recherche, un mi-temps recherche, un mi-temps enseignement, et un 2/3 temps administratif… Faites rentrer tout ça dans nos soi-disant emploi du temps de fainéant… Heureusement que nous avons encore des vacances, mais tout ça ne me décourageait pas.
Et puis est venu le temps des premières candidatures.
Session synchronisée ou poste au fil de l’eau, faire le grand écart pour tenter sa chance sur des postes théoriquement pas très éloignés, parfois avec des profils tellement précis que cela questionne, parfois avec des informations tellement lacunaires que cela questionne aussi.
Parfois, pas besoin de faire de grands ou de petits écarts. Le profil résume mon CV, incroyable ?!
On prend des contacts, on y croit un peu. On essaie d’oublier les 150 autres postulants qui doivent y croire aussi un peu. On part en quête d’information, on appelle, on discute et la discussion se termine inlassablement par « votre profil est vraiment intéressant, mais je me permets de vous prévenir que nous avons, ici, de très bons candidats, qui ont failli avoir un poste l’année dernière, alors… »
Alors quoi ? Alors, je ne serai pas auditionné sur les postes qui rentrent le plus dans mon profil, mais je serai auditionné sur les postes où j’ai fait le grand écart…
Alors quoi ? Alors, je cherche le nom des élus entendus, qui iront faire leur courbette devant ce jury tout puissant que je reconnais pleinement dans ses fonctions
Alors quoi ? Alors, surprise, 1 ou 2 candidats locaux, et le reste des candidats externes plus ou moins dans le profil, plus ou moins « publiants ».
Alors quoi ? pas de surprise, comme on me l’avait simplement fait comprendre au téléphone, le candidat local est classé premier.
Alors quoi ? Alors, on demande à voir le rapport. Aucune explication, dossier très intéressant, articles pertinents dans le champs, mais refusé pour l’audition… à l’unanimité !
Une fois,
Deux fois,
Trois fois,
Quatre fois…
Alors quoi ? Dénoncer l’endorecrutement ? Pour quoi faire ? La plupart des candidats ainsi recrutés ont fait leur preuve ! ils ont publiés, ils ont partagé des mois de travail avec des collègues sur place, connaissent les étudiants, sont appréciés, ont peut-être établis leur vie familiale sur place… Comment ne pas les recruter ?
C’est une logique humaine que de permettre à « son » galérien d’obtenir enfin le poste convoité.
Alors quoi ? Alors pourquoi ne pas arrêter cette mascarade de concours national ? Je suis attaché à la procédure de qualification, mais soyons réaliste : la session synchronisée ou les postes au fil de l’eau, pas tous, mais un certain nombre, et en tout cas dans ma discipline, ne sont pas si « ouverts » que ça.
Pourquoi nous laisser envoyer des dossiers ? Pourquoi nous faire déplacer, parfois 2 fois dans la même journée, par avion, lorsque pas de chance, les membres des jurys ne sont pas conciliants ? Pourquoi si l’on sait que, en humain empathique, on va de toute façon recruter la personne qui bosse avec nous depuis 4, 5, 10 ans ?
Il serait temps de repenser le recrutement : en nombre, mais aussi en organisation.
Chaque dossier, m’a dit un jour une amie plus âgée, c’est un bout de toi qui s’en va… A la fin que restera-t-il de nous ?
Je comprends maintenant : chaque dossier demande un investissement, on doit se projeter, pour des post-doc de 6 mois, des postes de MCF… c’est le même investissement. Pour faire comprendre par écrit que l’on sera le meilleur collègue, prêt à tout pour décrocher le sésame, ou simplement, un contrat peut-être un peu moins pourri que les autres. Passer des heures à faire des recherches sur les activités du labo, sur l’institution, sur les gens qui la compose…
Chaque dossier, chaque projet, chaque contact pris, c’est un peu d’espoir en moins, un peu de moi en moins à chaque fois.
Chaque année, des amis brillants que j’estime, que j’admire pour leurs recherches jettent l’éponge.
Pour l’instant, j’y crois encore, je m’accroche, j’essaie… mais, la question reste présente en permanence :
A quand mon tour ?
D’être recruté ou de jeter l’éponge, lequel viendra en premier ?
merci pour ce témoignage, Anonyme volontaire, qui est tellement vrai, quelque soit la discipline d’enseignement…
Sans compter qu’après tant d’années à courir après un poste, il est très difficile de se retourner vers le secteur privé en valorisant ce travail.
Tous les jours je me dit un peu plus que ma meilleure option de carrière est maintenant de devenir mère au foyer.