Anne-Sophie Gosselin
Maître de conférences, Biologie, Université Montpellier 2.
D’où viens-tu ? Peux-tu nous dire quelques mots sur l’environnement socioculturel dans lequel tu as grandi ainsi que sur les études que tu as faites ?
Je suis originaire de la banlieue parisienne. Mon père travaillait dans les télécommunications et ma mère est assistante sociale à l’hôpital. Je n’ai donc pas spécialement baigné dans les sciences « dures » mais mon grand-père était chimiste et suivait de près mon devenir. Ma discipline préférée à l’école a toujours été la biologie.
Quand as-tu réalisé que tu voulais faire de la Recherche ? Qu’est-ce qui t’intéressait et qu’est-ce qui t’intéresse maintenant dans ce domaine ?
Assez tard, en maîtrise (actuel Master 1) je pense. Mais dès la 2ème année de Licence de Biologie, j’avais fait un stage « volontaire » dans un labo hospitalier d’anatomo-pathologie qui m’avait passionné. Je m’étais alors plutôt orientée vers le domaine de la cancérologie et c’est en étudiant les virus oncogènes que j’ai découvert la virologie, mon domaine de prédilection depuis.
Pourquoi as-tu choisi la France pour te lancer dans la Recherche scientifique ?
J’ai fait mes études universitaires en banlieue parisienne puis sur Paris. J’ai continué en doctorat et j’ai effectué mes 3 années de thèse à l’Institut Pasteur de Paris, c’était l’endroit idéal pour moi qui aimais les virus ! Puis je suis partie faire un post doc (5 ans) à l’étranger, les conditions de travail étaient meilleures (financements des projets et salaire plus importants) mais je ne me voyais pas vivre définitivement ailleurs qu’en France, ça m’aurait beaucoup manqué.
Que connaissais-tu sur le système de recherche en France avant de débuter ? Qu’en penses-tu maintenant ?
Je savais que ça n’allait pas être facile, en Licence je me rappelle d’un enseignant qui m’avait dit que sur l’ensemble des étudiants présents dans l’amphi ce jour là, peut-être un seul y parviendrait ! Je savais que les bourses de thèse puis les postes de chercheurs étaient très limités mais je ne connaissais rien encore du financement des travaux de recherches. La situation a empiré depuis. Je plains les actuels post doctorants qui enchaînent les CDD sans perspectives fiables, et je n’envie pas du tout ma chef de groupe, qui passe presque tout son temps devant son écran d’ordinateur, à rédiger des projets et à répondre aux appels d’offres.
Quel est ton domaine de recherche ? Où travailles-tu ? Quel est le sujet de ta recherche ?
Je suis « Maître de conférences », c’est-à-dire « enseignant-chercheur » dans le langage courant. Mon laboratoire est situé sur le campus de l’université de Montpellier 2, où je dispense mon enseignement. C’est un laboratoire qui effectue des recherches sur les interactions existant entre les insectes ravageurs, l’environnement et les micro-organismes associés. Personnellement, je travaille sur les virus d’insecte, j’essaie de comprendre comment certains d’entre eux infectent l’organisme de l’insecte et pourquoi ils s’y multiplient ou pas. Nous analysons aussi dans l’équipe la spécificité, la prévalence et la diversité génétique des ces virus dans l’environnement, en considérant les écosystèmes agricoles et les milieux sauvages. Ces recherches fondamentales permettront à terme de répondre aux questions soulevées par l’utilisation potentielle de ces virus en lutte biologique pour combattre les insectes dits « nuisibles ».
Concrètement à quoi ressemble une journée de travail pour toi ?
C’est assez variable, car en fait j’ai 2 « métiers ». J’enseigne (environ 200h/an) et le reste du temps je suis au labo à réaliser des expériences, écrire des projets ou des articles et participer à la vie du labo. Je me partage donc entre les amphis, les salles de TP, l’ordinateur et « la paillasse » du labo. C’est à la fois très intéressant (découvrir et transmettre) mais c’est aussi très frustrant pour mon métier de chercheur ! L’enseignement prend un temps fou car, outre les 200 heures de présence effectives en cours, il y a toute la préparation en amont, la correction des copies (près de 1500 par an) et l’organisation administrative des modules d’enseignement ! Cela déborde forcément sur mon temps de recherche. Il faut être très organisé pour jongler entre les 2 activités, il y a beaucoup de perte de temps et d’énergie (difficile de caser une expérience entre 2 créneaux de cours espacés de quelques heures ?)
Et non, contrairement à ce que pense la plupart des gens, je n’ai pas les vacances scolaires !
Pour terminer, peux-tu nous donner un exemple qui pour toi montre que la Science est intéressante et peux-tu nous dire à ton avis pourquoi la Recherche est importante pour l’avenir de tout le monde ?
C’est une bonne question ! Bien sûr, la Science et la Recherche peuvent transformer notre quotidien ou sauver des vies. Mais, en tant qu’humain, je dirais surtout que la Science est un moyen d’aiguiser notre curiosité. Pour ma part, c’est bien la curiosité qui m’anime, la découverte de l’inconnu, infiniment petit me concernant. C’est fou de penser que les recherches effectuées tous les jours peuvent changer la façon dont on voit le monde, depuis celles qui ont montré que la Terre tournait autour du soleil, jusqu’à celles qui ont mis en évidence la structure de l’ADN, notre information génétique, en passant par celles qui ont permis d’observer pour la première fois la beauté d’un virus …