Focus sur le doctorat

 

 

Docteurs en médecine et docteurs « tout court »

Avant tout développement, revenons sur quelques points de vocabulaire : la thèse est le manuscrit que l’on rédige pour obtenir un diplôme de doctorat. Cependant les deux termes sont parfois utilisés de manière équivalente pour désigner la période de préparation du doctorat. Ainsi le doctorant, personne préparant un doctorat, est parfois familièrement appelé « thésard ». En revanche le terme de docteur désigne une personne qui a obtenu sa thèse (son doctorat), c’est-à-dire qui a présenté son travail devant un jury qui a décidé d’accorder le diplôme correspondant.

En France, lorsqu’on entend parler de docteurs, on pense tout de suite aux médecins car c’est dans ce sens-là que le mot est le plus souvent utilisé. Pourtant il ne faut pas confondre docteur en médecine (ou médecin) et docteur ! Le premier a préparé une thèse d’exercice, spécifique à certaines professions de santé en France : elle dure un an et conduit à l’obtention d’un diplôme de fin d’études appelé Diplôme d’État de docteur en médecine (différent du doctorat). Le second a préparé une thèse de doctorat, qui correspond à un travail de recherche d’au moins trois ans et permet d’obtenir un doctorat, diplôme reconnu internationalement (mais qui ne permet pas d’exercer la médecine).

Sur ce site, nous vous parlerons exclusivement des thèses de doctorat !

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Devenir doctorant

Pour devenir docteur, il faut donc avoir effectué un travail de recherche puis rédigé et soutenu une thèse de doctorat (également appelée thèse tout court ou doctorat tout court). Le doctorat est le plus haut diplôme français reconnu à l’international. Le diplôme de doctorat correspond au troisième cycle de l’enseignement supérieur et à un niveau d’étude bac +8 (pour rappel le master correspond à un niveau bac +5 et la licence à un niveau bac +3).

Cependant, les doctorants ne sont plus vraiment des étudiants au sens classique du terme : ils ne se contentent pas de recevoir de la connaissance mais vont la chercher eux-mêmes si nécessaire et surtout la créent par leur activité de recherche et la diffusent sous forme d’enseignements et/ou de communications auprès de leurs pairs. A ce titre, le doctorant est déjà un professionnel.

La durée réglementaire du doctorat est de trois ans, même s’il arrive qu’il dure plus longtemps dans certaines disciplines (jusqu’à quatre ans en sciences de la vie voir plus en arts, lettres, langues ou sciences humaines et sociales). Avant même de commencer un doctorat, il est nécessaire de remplir trois conditions :

  • Posséder un diplôme de niveau master
  • Trouver un financement
  • Trouver un laboratoire d’accueil ainsi qu’un directeur de thèse et un projet de recherche

Le second critère revêt une importance variable selon les disciplines. En sciences expérimentales et techniques, la plupart des doctorants bénéficient d’un financement leur permettant de signer un contrat de travail, qu’il s’agisse d’un contrat doctoral signé avec une université ou d’un autre CDD signé avec un institut de recherche ou une entreprise. Dans ces disciplines, les personnes ne bénéficiant pas de financement ne peuvent s’inscrire en doctorat. Le contrat doctoral est un CDD de trois ans uniformisé à l’échelle nationale, notamment en terme de salaire minimum. Tout titulaire de contrat doctoral est payé au moins 1684,92€ bruts par mois s’il ne se consacre qu’à son activité de recherche. A cette dernière peuvent s’ajouter des activités complémentaires d’enseignement, d’expertise ou de diffusion de la culture scientifique et technique dont la durée est réglementée et qui portent le salaire à 2024,70 euros bruts, soit l’équivalent en net du salaire français médian.

En dehors de ces disciplines, la variabilité de la durée des doctorats est liée au caractère plus aléatoire de leurs financements. Il est par exemple possible de mener un projet doctoral en droit sans être rémunéré pour ce travail. Les doctorants sont alors dans une situation plus précaire que leurs homologues de sciences expérimentales et techniques et doivent souvent mener une activité professionnelle supplémentaire en parallèle de leur doctorat, qu’il leur faut donc plus de temps pour terminer… Dans ce cas, le fait que certaines universités acceptent l’inscription de doctorants non financés leur permet de mener leur doctorat à bien sans contrainte temporelle mais institutionnalise une situation dommageable.

Dans tous les cas, il est essentiel pour le doctorant de bénéficier d’un laboratoire d’accueil. C’est au sein de cette structure qu’il sera formé au travail de recherche et accompagné dans l’avancement de son projet, principalement par son –ou ses- directeurs de thèse. En effet, le doctorat est à la fois une activité professionnelle et une formation par la recherche et c’est au directeur de thèse que revient cette mission de formation du doctorant. C’est également avec le directeur de thèse que le doctorant appréhende son sujet de thèse, qui correspond le plus souvent à une question à laquelle il va essayer de répondre au cours de son doctorat.

Lorsqu’il a les diplômes suffisants, un laboratoire d’accueil, un sujet de recherche et idéalement un financement, le futur doctorant peut enfin entamer son doctorat !

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Devenir docteur

Le déroulement du doctorat varie grandement d’un doctorant à l’autre mais le principe est toujours le même : le jeune chercheur utilise tous les moyens à sa disposition pour traiter la question qui constitue son sujet de doctorat. Son directeur de thèse ou ses collègues l’accompagnent dans ces nouvelles fonctions afin qu’il utilise ces moyens le plus efficacement possible voire qu’il mette en place de nouveaux outils, le doctorant devenant progressivement autonome dans son travail.

En parallèle de son activité de recherche, le doctorant participe à la vie de son laboratoire en assurant des tâches communes qui varient selon le lieu où il travaille. Il prépare régulièrement des exposés sur son travail afin de le présenter à ses collègues mais est aussi amené à présenter ses résultats dans des congrès d’envergure internationale et à rédiger des articles scientifiques ou des chapitres de livres.

Pendant sa doctorat, le doctorant est inscrit dans une université et dépend d’une école doctorale. Cette structure dépend du laboratoire d’inscription et peut distribuer des financements à certains étudiants après sélection. Elle assure le suivi administratif du doctorat et veille à la qualité de l’encadrement des doctorants mais crée aussi des opportunités d’interactions entre les doctorants et entre les doctorants et les entreprises. Elle a également pour mission de proposer des formations aux doctorants, liées ou non à leur domaine de recherche, afin d’élargir l’éventail de leurs compétences.

À la fin de son doctorat, le doctorant doit rédiger son manuscrit de thèse. Cet ouvrage qui atteint souvent plusieurs centaines de pages doit reprendre l’ensemble du travail effectué au cours du doctorat en décrivant le contexte de réalisation des recherches, en présentant leurs résultats et en exposant les perspectives futures de travail. Ce manuscrit est ensuite relu par des chercheurs spécialistes du domaine de recherche qui peuvent délivrer ou non au doctorant l’autorisation de soutenir sa thèse.

La soutenance de thèse est la dernière étape du doctorat. Elle consiste en une présentation orale : le doctorant et son directeur de thèse réunissent un jury de spécialistes, comprenant ceux ayant relu le manuscrit de thèse, auquel le doctorant présente ses travaux de recherche. Cet exposé de durée et de format variable selon les disciplines (généralement de 20 à 45 minutes, avec ou sans support) est suivi d’une séance de questions et parfois d’un débat scientifique menés par le jury qui dure généralement entre une et deux heures. Dans la plupart des cas, hors résultats confidentiels, cette soutenance de thèse est publique. Les collègues et les proches du doctorant peuvent donc y assister.

À l’issue de cette soutenance, le jury délibère, prépare un procès-verbal de soutenance et, en cas de succès, autorise la délivrance au doctorant du tant attendu grade de docteur ! Ce grade est garant de l’ensemble des compétences de chercheur développées pendant ces trois années d’expérience ainsi que de beaucoup d’autres, propres à chaque parcours et transférables à d’autres milieux professionnels.

Quelques chiffres : 41% des doctorants en France sont étrangers et une partie des étudiants français vont à l’inverse effectuer leur doctorat à l’étranger. En pratique, 12% des étudiants étrangers en France (soit un peu moins de 26000 étudiants) sont inscrits en doctorat contre 3,1% des étudiants français (soit un peu plus de 38000 étudiants) ce qui montre l’attractivité internationale du doctorat français. En France, 1% des jeunes sortant de leur formation ces dernières années ont un doctorat.

Des docteurs compétents

Le doctorat est souvent considéré comme une formation à la recherche par la recherche mais c’est en réalité bien plus que cela. Le docteur n’est pas seulement un chercheur, il développe pendant son doctorat d’autres compétences susceptibles d’intéresser des employeurs dans différents domaines. Voici un petit aperçu des compétences que tous les docteurs possèdent :

  • La curiosité
  • La capacité d’aller chercher des informations
  • Une grande faculté d’apprentissage
  • Le travail en équipe
  • La capacité de synthétiser des informations et de les présenter à l’oral comme à l’écrit
  • La résistance à un environnement de travail stressant
  • Un recul sur le travail effectué et à effectuer
  • Une très bonne organisation personnelle et gestion de son temps de travail
  • Le respect des dates limites
  • Une grande autonomie
  • La créativité
  • La capacité d’adaptation
  • La maîtrise parfaite d’un domaine de connaissance précis et une bonne maîtrise de la thématique plus large correspondante
  • Un réseau professionnel en lien avec cette thématique
  • La maîtrise de différentes techniques

En plus de ces compétences, chaque doctorant développe des aptitudes particulières en fonction des formations et des missions réalisées pendant son doctorat (enseignement, communication, management, entrepreneuriat…). L’ensemble de ces compétences rend les docteurs capables de s’adapter à la plupart des environnements professionnels et d’y fournir un travail de qualité.

Le doctorat, et après ?

Les chiffres utilisés dans cette partie sont issus du rapport sur l’état de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche en France publié par le Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche en avril 2014.

Une grande partie des doctorants ont l’espoir de devenir chercheur ou enseignant-chercheur à l’issue de leur doctorat, mais ils sont de plus en plus encouragés à envisager d’autres plans de carrière.

À court terme, c’est-à-dire trois ans après l’obtention de leur doctorat, 10% des docteurs sont au chômage et 30% sont en CDD, contre seulement 5% et 7% pour les diplômés d’écoles d’ingénieurs trois ans après la fin de leurs études (qui elle-même intervient en moyenne trois ans plus tôt que la soutenance de thèse des docteurs).

Si on regarde les conditions d’emploi en 2012, cinq ans après le doctorat, on constate que seulement un peu plus de la moitié des docteurs travaillent dans la recherche publique et académique, et qu’un quart d’entre eux travaillent dans la recherche privée. 23% des docteurs ne travaillent finalement pas dans la recherche 5 ans après leur doctorat. Selon l’environnement de travail, les docteurs ont accès à des emplois plus ou moins stables (le taux de CDD varie entre 8 et 35%) et sont plus ou moins épanouis, cf tableau ci-dessous.

Par ailleurs, il existe une grande disparité entre les disciplines si on regarde la situation des docteurs 3 et 5 ans après l’obtention de leur doctorat, cf tableau ci-dessous. Ainsi seulement 15% des docteurs en mathématiques, physique ou chimie ne bénéficient pas d’un CDI cinq ans après l’obtention de leur thèse, contre 41% des docteurs en sciences de la vie et de la Terre. Les chiffres sont respectivement de 37% et de 57% trois ans après le doctorat, ce qui montre bien que l’obtention du doctorat, sanctionnant un niveau très élevé de formation, n’est pas un rempart contre la précarité.

La disparité entre les disciplines, notamment le fort taux de CDD parmi les docteurs en sciences de la vie, s’explique par la recrudescence de CDD de recherche effectués dans les laboratoires après le doctorat et qui portent le nom de contrat post-doctoraux. Ces contrats précaires peuvent être réalisés en France ou à l’étranger et ont pour but de permettre aux docteurs d’enrichir leurs CV académiques car, malheureusement, même dans la recherche publique, le niveau des concours de recrutement est tellement élevé que dans certaines disciplines le grade de docteur ne peut suffire à obtenir un poste.

Si l’on regarde le devenir 7 ans après l’obtention du doctorat (étude réalisée sur l’emploi en 2011 des docteurs de l’année 2004, dans un contexte économique différent de celui que nous vivons aujourd’hui), toutes disciplines confondues, on constate que 97% des docteurs ont un emploi mais que seulement 76% d’entre eux sont en CDI, un quart étant donc encore en CDD. Le taux de CDI est en revanche de 94% pour les diplômés d’écoles d’ingénieurs et de 84% pour les titulaires d’un master de recherche. Il est donc plus facile de trouver un emploi stable avec un diplôme de recherche niveau bac +5 qu’avec un diplôme de recherche niveau bac +8. De plus, parmi ces 97% de docteurs ayant un emploi, 25% sont employés en dessous de leur niveau de compétence.

Dans le domaine de la recherche privée, qui est la deuxième voie d’orientation des docteurs après la recherche publique, on constate que seulement 12% des chercheurs en entreprises sont titulaires d’un doctorat, contre 55% disposant d’un diplôme d’ingénieur et 16% d’un master de recherche. De plus, 28% de ces docteurs sont également diplômés d’une école d’ingénieur. Il existe ici aussi une grande disparité en fonction des disciplines. Le secteur de la recherche pharmaceutique compte 46% de docteurs parmi ses chercheurs alors que l’industrie automobile n’en compte que 7% et la construction aéronautique 7%.

Néanmoins, en moyenne, seulement 8,65% des chercheurs dans le privé sont titulaires d’un doctorat et ne possèdent pas de diplôme d’ingénieur. La capacité limitée d’embauche par l’État et le manque de reconnaissance du doctorat, aussi bien par les entreprises que dans la fonction publique, constituent deux obstacles majeurs à la poursuite de carrière des docteurs, et ce malgré leurs compétences.

Bref, j’fais une thèse…