Le personnel de recherche

 

 

Directeur/trice de l’institut 

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L’organisation d’un institut de recherche est assez comparable à une moyenne entreprise sous franchise : le cadre juridique est relativement bien défini mais est associé à très peu d’autonomie financière. Cependant, le directeur, désormais nommé pour 5 ans, doit faire face à une centaine (voire plus de 400 individus dans des Très Grosses Unités, « TGU ») dont il faut faciliter le travail en créant un environnement scientifique riche et harmonieux. Ce poste requiert donc de grandes qualités en gestion des ressources humaines.

Historiquement, la direction des unités est confiée à des scientifiques car il est indispensable de donner un cap scientifique aux structures en tirant partie de la richesse des compétences du personnel et de leur association. Cette double qualité, de scientifique et de « gestionnaire du personnel », requise pour une seule personne, pose aujourd’hui plusieurs problèmes : (i) la charge administrative du poste est telle que le directeur peut difficilement poursuivre son activité scientifique, à laquelle il devra pourtant revenir à l’issue de son mandat (ii) il/elle n’a pas été réellement formé à la gestion d’un nombre important de ressources humaines, et l’apprend souvent « sur le tas » (iii) cette tâche devient de plus en plus difficile à soutenir dans un cadre de précarisation de l’emploi, et (iv) du fait de la réduction des budgets, la direction n’a presque plus de marge de manœuvre pour réellement promouvoir une politique scientifique au sein son unité.

 

Chercheur(se) et responsable d’équipe 

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Le recrutement de tout chercheur dépend de la qualité des publications qui décrivent ses découvertes, ce qui contribue efficacement à stimuler sa motivation pour faire avancer la science et augmenter ses chances d’obtenir l’emploi de son choix.

Une des forces du système français est qu’un emploi pérenne, assuré par le statut de fonctionnaire, donne au chercheur une plus grande marge de manœuvre. Il bénéficie du temps nécessaire pour se lancer dans des projets scientifiques ambitieux ne garantissant pas forcément de résultats à court terme. Ce droit au temps et à l’échec est essentiel pour permettre la prise de risque qui est souvent à l’origine des grandes découvertes. Par ailleurs, le chercheur consacre du temps à la formation des jeunes scientifiques (stagiaires et doctorants).

Dans notre système, c’est véritablement l’équipe, dirigée par un chercheur (et comprenant généralement d’autres chercheurs sans mission de direction), qui assure science, technologie et formation. Le chercheur responsable d’équipe dirige une dizaine de personnes et doit faire face aux mêmes difficultés que le directeur d’unité. Les crédits récurrents de recherche étant peu voire non assurés, le chercheur doit financer les recherches et le matériel, jusqu’aux chaises des bureaux, en répondant sans cesse à des appels à projets. Ainsi, le chercheur croule sous les charges administratives, les demandes de financement et la gestion des contrats d’emploi, notamment des ressources humaines maltraitées du fait de la précarisation, et ce au détriment de son activité scientifique.

Dans le système de recherche anglo-saxon, ce type de poste pérenne existe peu, la recherche est assurée essentiellement à l’université. Le système est aussi organisé en équipes mais seul le chercheur « principal » est reconnu, il est lui-même souvent sous contrat, recruté par l’université sur un projet scientifique, renouvelable en fonction de l’avancée de ses travaux de recherche. Ce chercheur principal recrute des « chercheurs post-doctorants », également sur des contrats à durée déterminée (3-5 ans) ainsi que des doctorants, des étudiants et des techniciens pour travailler sur son projet scientifique. La stratégie anglo-saxonne fonctionne d’avantage sur la base de l’individu-chercheur alors que le système français s’appuie sur des équipes.

 

 

Enseignant(e)/chercheur(se)

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L’enseignant(e)-chercheur(se) fait partie intégrante de l’équipe de recherche mais il est recruté par une université. C’est un chercheur au même titre que le précédent, excepté qu’il doit en plus assurer 192 heures d’enseignement annuel ! Cela signifie que ses premières années d’exercice sont quasi-totalement occupées à préparer ses enseignements. Une fois les premiers cours préparés et testés, leur mise à jour lui demande moins de temps. On peut déplorer que l’exercice de tant d’heures d’enseignement ne soit pas plus progressif.

De plus, on ignore trop souvent qu’au-delà du temps passé à donner des cours, l’enseignant-chercheur est soumis à un tas d’autres charges administratives comme (i) de diriger ou de participer à l’organisation d’une unité d’enseignement, ce qui implique de nombreuses réunions (ii) d’organiser, de surveiller et de corriger des examens, (iii) tout comme les chercheurs, de participer à des jurys d’évaluation (master, doctorat, habilitation à diriger des recherches, recrutement d’enseignant-chercheurs, …).

Tout au long de sa carrière, l’enseignant-chercheur doit mener en parallèle son activité de recherche et son activité d’enseignement, en essayant de ne pas s’investir dans l’une au détriment de l’autre. Néanmoins ceci est d’autant plus délicat que ces personnels sont recrutés et évalués sur leurs compétences de chercheurs, estimées au regard de leurs publications scientifiques, plutôt que sur leurs compétences d’enseignants, plus difficilement « mesurables ».

En plus de déséquilibrer fortement le système d’enseignement universitaire, qui fonctionne principalement grâce à la bonne volonté de personnels essayant de ne pas se laisser étouffer par une activité de recherche de plus en plus concurrentielle, ce biais d’évaluation a eu des conséquences néfastes lors de la mise en œuvre des récentes politiques d’excellence. En effet, les universités ont été poussées à recruter de bons chercheurs sur des postes d’enseignants-chercheurs au lieu de recruter ou de promouvoir de bons enseignants-chercheurs…

Néanmoins, ce métier permet de rester en contact perpétuel avec de jeunes adultes en devenir et procure de grandes émotions lorsque l’on perçoit les bénéfices de la transmission de la connaissance.

 

Post-doctorant(e) 

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Le cas du post-doctorant(e) à l’étranger a été traité ailleurs (rubrique chercheur). Le « post-doctorat » à l’étranger est un élément déterminant de sélection lors des concours de recrutement, dans un contexte d’emploi ou le nombre de candidats « excellents » ne permet pas une discrimination purement scientifique. Le jeune chercheur resté en France se verra reprocher son manque de mobilité, et ce en dépit d’excellents résultats scientifiques dans son équipe française. Le post-doctorant resté en France a souvent une visibilité à (très) court terme, enchaînant des contrats au financement souvent « explosé façon puzzle » : 2 ans financés par un organisme caritatif, 18 mois par un crédit de l’Agence Nationale de la recherche (ANR), trois mois sur les crédits de l’équipe, un an financé pour moitié par la région et pour lequel il faut chercher l’autre moitié, etc… Comme la société française ne reconnait pas le « contrat à durée déterminée », les post-doctorants peinent à s’installer dans la vie : par exemple ils ne peuvent pas obtenir un prêt pour acheter un domicile et signer un contrat de location peut même s’avérer difficile. Cette précarité est particulièrement défavorable aux femmes, et pousse nombre d’entre elles à choisir entre carrière et maternité. Pour mémoire, l’âge moyen de recrutement d’un « Chargé de Recherche » (CR1) au CNRS était de 38 ans en 2011[1].

Le nombre de contrats à durée déterminée a explosé depuis 10 ans alors que les recrutements de chercheur n’ont cessé de baisser, et les possibilités d’emploi dans le secteur privé en biologie/pharmacie ont suivi la même tendance.

Dans ce climat d’emploi anxiogène, le post-doctorant n’est pas dans un état créatif optimal et, avec lui, c’est toute l’organisation de l’équipe qui est fragilisée. Les chercheurs ont le sentiment d’être dans une spirale infernale. Il est temps d’inverser la tendance de ce cercle vicieux !

[1] http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article5985

 

 

Doctorant(e)

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Ingénieur et technicien(e) 

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Le personnel technique, à différents niveaux de qualification, peut être inclus dans les équipes de recherche (cas de plus en plus rare, car ces postes ne sont plus renouvelés) ou participer au fonctionnement de plateformes technologiques mutualisées.

Diplômes nécessaires pour les différents postes :
Technicien : bac
Assistant ingénieur : bac+2
Ingénieur d’étude : licence
Ingénieur de recherche : doctorat

Ils/elles assurent la mise au point et la réalisation d’expériences. Comme pour les chercheurs, une bonne part de ces fonctions est désormais effectuée par du personnel recruté sur des emplois « précaires ». Cela génère frustrations et démotivation. En effet, les personnels se trouvent désormais pris au piège entre la pénurie d’emploi en biologie et une impossibilité d’être embauché en CDD dans la fonction publique au-delà de 6 ans. Pire, les administrations préfèrent souvent anticiper sur la date butoir et « se couvrir » pour ne pas être contraintes par la loi Pors à des recrutements dont elles n’ont pas les moyens, limitant parfois les renouvellements au-delà de 3 ou 4 ans ! Ainsi, les équipes sont dans le ni-ni, elles ne peuvent ni titulariser les personnes formées, ni renouveler leur contrat précaire, ni leur ouvrir de nouvelles perspectives d’emploi à l’issue de leur contrat. Ce système, comme celui du post-doctorat, pose deux problèmes majeurs : il est anxiogène, ce qui ne favorise pas l’efficacité du personnel, et il génère un gâchis des compétences issues de la qualité de notre système d’Enseignement Supérieur, puisque les personnes formées sont régulièrement remplacées par des nouveaux arrivants à former. Le second est pragmatique, les équipes de recherche forment sans cesse un personnel éphémère qui devra souvent se reconvertir à l’issue du contrat faute d’emploi, générant en plus de l’humain, un gâchis énorme d’argent public en matière de formation.