Nicolas Nègre
Maître de conférences, Biologie, Université Montpellier 2.
D’où viens-tu ? Peux-tu nous dire quelques mots sur l’environnement socioculturel dans lequel tu as grandi ainsi que sur les études que tu as faites ?
J’ai grandi à Perpignan. Mon père était instituteur et ma mère infirmière. Après le bac j’ai suivi un parcours universitaire de biologie, à Perpignan d’abord (DEUG) puis à Montpellier (Licence, Maîtrise, DEA, Thèse).
Quand as-tu réalisé que tu voulais faire de la Recherche ? Qu’est-ce qui t’intéressait et qu’est-ce qui t’intéresse maintenant dans ce domaine ?
J’ai toujours voulu faire de la recherche en biologie. C’est pourquoi je n’ai pas tergiversé dans le choix de mes études. C’était tellement une évidence pour moi que je ne me suis jamais réellement demandé ce qui m’attirait dans ce parcours. Ce qui m’intéresse toujours dans ce métier, c’est la diversité des compétences que cela demande, ce qui rend le travail très stimulant, ainsi que l’apprentissage quasi quotidien de découvertes scientifiques.
Pourquoi as-tu choisi la France pour te lancer dans la Recherche scientifique ?
Principalement pour des raisons familiales. J’ai passé 5 années de post-doctorat aux Etats-Unis où j’ai pu exercer mon métier dans des conditions de travail exceptionnelles. A contrario, mes conditions de retour en France ont été déplorables. Ca fait maintenant 3 ans que je suis revenu en France et j’arrive à maintenir un niveau scientifique correct mais je trouve les contraintes difficiles.
Que connaissais-tu sur le système de recherche en France avant de débuter ? Qu’en penses-tu maintenant ?
Je savais qu’il était difficile d’obtenir un poste après la thèse. C’est encore pire aujourd’hui.
Je savais que la particularité française était, en garantissant leur emploi, de permettre aux chercheurs de développer des projets novateurs, risqués, de travailler sur le long terme. Ce n’est plus vrai aujourd’hui. En accentuant la pression sur les chercheurs, notamment via un système de financement sur compétition, nous avons tendance à effectuer de la recherche sur commande, à privilégier les projets rentables à court terme et sans trop de risque. Ce n’est pas une bonne chose pour la science.
Le personnel non permanent a toujours été précarisé, quel que soit le pays. Mais ces dernières années, nous voyons les laboratoires se vider de leurs jeunes, étudiants et post-docs. Je trouve que c’est au détriment de la qualité de notre recherche.
Quel est ton domaine de recherche ? Où travailles-tu ? Quel est le sujet de ta recherche ?
Je suis Maître de conférences à l’Université Montpellier 2, où j’enseigne la génétique. Mon laboratoire d’accueil situé sur le campus de la fac s’appelle DGIMI. DGIMI étudie les interactions existant entre les insectes ravageurs, l’environnement et les micro-organismes associés. Je suis rattaché à une équipe qui essaye de comprendre le lien entre les particularités chromosomiques de certains insectes et leur adaptation à des plantes agricoles.
Concrètement à quoi ressemble une journée de travail pour toi ?
Aucune journée ne se ressemble. Au cours d’une semaine, je mène plusieurs activités. La première, ce sont mes activités d’enseignement. La préparation demande de fournir une lecture attentive de la bibliographie dans mes différents domaines d’enseignement. Une grande partie de mon activité hebdomadaire est donc consacré à la lecture d’ouvrages et d’articles scientifiques. Donner les cours ou les TDs résulte de ce travail en amont. Pour ma recherche également, je dois fournir un travail de bibliographie important pour pouvoir prendre les décisions les plus pertinentes quand au choix des expériences qui me permettent de progresser sur mon questionnement de recherche. En thèse et en post-doc, le gros de mon temps était consacré à la réalisation de ces expériences. Maintenant, beaucoup de mon travail de recherche consiste à des analyses informatiques. Je passe donc longtemps à coder. Parmi d’autres activités hebdomadaires, les réunions avec mes collaborateurs -essentielles pour favoriser la synergie des partenaires d’un projet-, ainsi que les rendez-vous avec les étudiants -que je ne refuse jamais-, prennent énormément de temps. D’autres activités ponctuelles dans l’année peuvent accaparer mon temps: l’écriture d’un projet de recherche, l’écriture d’un article, la préparation d’une présentation orale à un congrès… vraiment il y a beaucoup de choses différentes à faire.
Pour terminer, peux-tu nous donner un exemple qui pour toi montre que la Science est intéressante et peux-tu nous dire à ton avis pourquoi la Recherche est importante pour l’avenir de tout le monde ?
Je dirais qu’aujourd’hui plus qu’avant le monde a besoin de la science comme rempart à l’obscurantisme. Je suis sidéré qu’au XXIème siècle on puisse remettre en question l’évolution ou la vaccination, que l’on puisse nier le réchauffement climatique et que l’on nourrisse globalement une défiance envers la science. Dans le même temps, de plus en plus de gens sont prêts à souscrire à des théologies sectaires, à des médecines alternatives, à croire aux « énergies », aux « méridiens » ou même à la radiesthésie. Nous chercheurs devons redoubler d’effort pour communiquer, pour instruire, pour infuser les principes scientifiques dans chacun pour faire émerger la raison plutôt que les croyances.