D’où viens-tu ? Peux-tu nous dire quelques mots sur l’environnement socioculturel dans lequel tu as grandi ainsi que sur les études que tu as faites ?
Je suis auvergnat, originaire de la proche banlieue Clermontoise. J’ai fait un DUT de Bioinformatique à Aurillac puis continué vers une Licence Professionnelle « Métier de la Biotechnologie » à Nîmes, un master 1 en Génétique et Physiologie à l’Université Blaise Pascal de Clermont Ferrand et un master 2ème année « Biotechnologie et Biosanté » à l’Université de Bretagne Occidentale à Brest. J’ai eu la chance de pouvoir beaucoup voyager en France tout au long de mes études et de faire de nombreux stages de fin d’année qui ont conforté mon envie de travailler dans le monde de la recherche (notamment un stage sur les leucodystrophies et un stage au Généthon).
Quand as-tu réalisé que tu voulais faire de la Recherche ? Qu’est-ce qui t’intéressais et qu’est-ce qui t’intéresse maintenant dans ce domaine ?
Tout petit, je m’intéressais à la science et à l’environnement. Au lycée, j’ai eu mes premiers cours de génétique qui m’ont vraiment passionné. Je suis tombé dans la marmite et depuis je n’en suis pas ressorti ! J’ai même été jusqu’à faire quelques études génétiques simples pour tenter de prédire la couleur du pelage des bébés gerbilles de ma sœur !!!
Pourquoi as-tu choisi la France pour continuer dans la Recherche
scientifique ?
Je suis français. C’est une évidence pour moi que de participer à la recherche dans mon pays… Nous avons des scientifiques très brillants avec qui je rêve de travailler. Mes mentors : Axel Kahn, Arnold Munnich, Alain Fischer !
Que connaissais-tu sur le système de recherche en France avant de débuter ? Qu’en penses-tu maintenant ?
Non je ne connaissais pas le système de recherche en France, je suis le seul de ma famille à avoir pris cette branche-là. Je ne me doutais pas que des années après je serai dans une situation de précarité intenable avec aucune perspective d’avenir. Aujourd’hui, je me sens exclu de toute vie scientifique, oublié par le gouvernement français et surtout privé de ma passion pour la génétique. Toutes ces années d’études, tous ces CDD pour rien. Quel gâchis ! Le gouvernement dit tout faire pour réduire le chômage, je n’en suis pas si sûr … Rien n’est fait pour les nombreux précaires ayant multiplié les CDD dans les labos de recherche publique !!
Quel est ton domaine de recherche ? Où travailles-tu ? Quel est le sujet de ton doctorat ?
J’ai touché un peu à tout ! J’ai commençais à travailler 11 mois à l’ANSES de Maison Alfort avec une partie de mon travail à l’Institut Pasteur sur Clostridium botulinum. Mon travail a débouché sur un brevet européen sur la détection de C. botulinum par PCR en temps réel pour lequel je suis co-auteur. J’ai ensuite fait de la génétique végétale à l’INRA de Clermont Ferrand site de Crouël (16 mois de CDD), puis 27 mois à l’INRA Clermont-Ferrand site de Theix en microbiologie et transcriptomique, puis 17,5 mois au CNRS de Clermont-ferrand (Laboratoire de Physique Corpusculaire) sur une thématique de radiobiologie et d’évolution bactérienne. J’ai lors de ce CDD créé ma propre salle de microbiologie avec tout le matériel nécessaire (30 kE de budget), fait trois voyages en Corée du Sud pour diverses collaborations scientifiques, participé à quelques réponses d’appel d’offre qui n’ont pas été financés. Aujourd’hui, faute de financement pour me recruter, les projets sont quasi à l’arrêt (gérés par une ingénieure elle aussi en CDD à mi-temps et un physicien australien en 1ère année de thèse…). J’ai retrouvé pour la période des dernières vacances un contrat court de 4 mois dans une entreprise privée lyonnaise sans aucune activité de recherche en biologie. Aujourd’hui, avec mes 8 CDD en 6 ans dans les labos publiques, beaucoup de laboratoires hésitent à me prendre pour un CDD supplémentaire de peur d’être obligés de me cédéiser. Je suis de nouveau au chômage depuis mi-août.
Concrètement à quoi ressemble une journée de travail pour toi ?
En ce moment je ne travaille pas, donc ma journée-type, c’est essentiellement recherche d’emploi et prises de contact avec de potentiels employeurs.
Es-tu intéressée pour rester en France ?
Oui j’aimerais. Je suis auvergnat, je vis auvergnat, je respire auvergnat mais étant donné que je ne trouve pas le travail de mes rêves en Auvergne ni même en France, je commence à regarder dans les autres pays européens. A 33 ans, j’ai l’impression de devoir choisir entre une vie professionnelle et une vie hors travail, un vrai dilemme et un vrai crève-cœur !
Pour terminer, peux-tu nous donner un exemple qui pour toi montre que la Science est intéressante et peux-tu nous dire à ton avis pourquoi la Recherche est importante pour l’avenir de tout le monde?
Je parlerais des avancées majeures en médecine ou en biotechnologie verte grâce à la biologie. Il y a 20 ans, le génome humain n’était pas séquencé, on n’avait aucune connaissance des gènes, de leurs fonctions et de leurs rôles. Aujourd’hui, nous avons fait des progrès considérables en matière de diagnostics médicaux comme en matière de thérapie et tout cela grâce à l’ADN et aux gènes. Savez-vous qu’en cancérologie, le profil des tumeurs cancéreuses est systématiquement regardé avant toute mise en place de traitement thérapeutique ?
Autre exemple : pour préserver nos ressources naturelles, savez-vous que certaines bactéries sont maintenant capables de produire des composés dérivés du pétrole grâce au génie génétique ?
La recherche fait progresser la société, améliore nos conditions de vie, préserve l’environnement et la planète. Sans personnel de recherche compétent, il n’y a pas de recherche et d’innovation et à long terme c’est l’économie de ce pays qui va tristement s’effondrer…