Juliette H.

Responsable d’un laboratoire dans une société pharmaceutique.

D’où venez-vous ? Quelques mots sur le milieu socio-culturel dans lequel vous avez grandi, et/ou sur vos études ?
Je suis issue d’un milieu très modeste, mes parents ont divorcé lorsque j’avais 3 ans. Mes parents qui avaient 18-20 ans pendant Mai 68 n’ont pas fait d’études, trop occupés qu’ils étaient à revendiquer leur liberté. Ils ont enchainé une grande partie de leur vie des petits boulots avant de devenir tous les deux des petits commerçants. Malgré leur peu de moyens, ils m’ont toujours poussée, encouragée à faire des études et à ne pas suivre leur exemple. Ils ont compris, trop tardivement pour eux, que les études permettaient la liberté de choix d’un métier et d’un mode de vie. Ma grand-mère paternelle a elle aussi joué un rôle important dans mon parcours. Ancienne institutrice à la retraite, elle m’a beaucoup encouragée à poursuivre le plus loin possible mes études et m’a même assumée financièrement pendant quelques années pour me permettre de continuer car mes parents n’en avaient pas les moyens.

Vous considérez-vous prédestinée à effectuer votre métier ? Sinon, comment êtes-vous arrivée là ?
JulietteH2Dès le collège je me posais la question de mon futur métier. Lorsque j’étais en classe de
4ème, j’ai rencontré un chercheur via mon mon beau-père. Voyant mon intérêt pour la biologie, il m’a proposé de visiter son laboratoire à la Faculté de Pharmacie. Après cette rencontre, j’ai su que je voulais devenir chercheuse et j’ai tout mis en oeuvre pour le devenir. J’ai suivi le parcours classique à la faculté de sciences pour obtenir un doctorat. Pendant mes études j’étais plutôt attirée par les pathogènes et l’infectiologie. Je voulais travailler sur du concret, sur les infections qui induisent de vrais problèmes de santé publique. J’ai fait une thèse sur le virus du sida. Après une expérience professionnelle en « post-doc » aux Etats-Unis, c’est assez naturellement que j’ai postulé sur un poste de chercheur dans une société de production de vaccin qui alliait le concret et la mise à profit de mes connaissances.

Quel est votre domaine de recherche ?
J’ai d’abord commencé ma carrière en tant que chercheuse en caractérisant les réponses immunes induites par de futurs « candidats-vaccins » pour trouver le bon antigène et la bonne formulation, et comprendre le type de réponse immune nécessaire pour se protéger de l’infection. Aujourd’hui je suis devenue responsable d’un laboratoire d’une quinzaine de personnes, constitué de cadres sénior, cadres junior, de techniciens et de stagiaires et occupe donc une place de « manager ». Je ne suis plus moi même directement en charge de travaux scientifiques.

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Concrètement, à quoi ressemble votre journée de travail ?
Je ne manipule plus du tout depuis plusieurs années, je définis avec les scientifiques qui travaillent dans mon équipe les grandes orientations du projet, la stratégie scientifique et technique, le choix des nouvelles technologies à évaluer et à implanter dans le laboratoire. Je passe la plus grande partie de mes journées en réunions pour partager de l’information, suivre l’avancement des projets et travailler sur une thématique collectivement, ou devant mon ordinateur à lire, corriger, rédiger des documents, rédiger des articles, préparer des présentations. Je suis amenée à faire régulièrement des présentations à mon équipe ou dans des comités divers pour donner de la visibilité au management et faire valider notre stratégie et les moyens associés. Une part importante de mon temps est consacrée à la gestion des moyens (suivi du budget de fonctionnement, suivi du budget externe, réalisation d’investissements, demande de financement externe, gestion des locaux et des équipements), des ressources humaines (embauche, développement des personnes, encadrement, pilotage, …), de l’HSE (Hygiène, Sécurité et Environnement) et de la qualité. Je mets aussi en place un grand nombre de prestations externes ou de collaborations.

Que pensez-vous de l’évolution de votre métier au cours des 10-20 dernières années ?
La réglementation nationale et internationale est de plus en plus exigeante que ce soit au niveau du droit du travail, de l’HSE ou de la qualité. De ce fait, un scientifique dans un environnement pharmaceutique passe de moins en moins de temps à exercer le coeur de son métier, et passe une bonne partie de son temps à gérer des taches multiples non scientifiques. Par conséquent le temps alloué à la lecture d’articles, à la réflexion scientifique, aux échanges scientifiques et à l’innovation a diminué

Une idée, un projet pour améliorer votre condition ?
La solution que j’ai trouvée à mon humble niveau est de prendre en charge au maximum la gestion non scientifique du laboratoire pour que mes scientifiques soient le moins possible affectés par ces taches et qu’ils puissent au maximum se consacrer à leur coeur de métier. Nous avons aussi mis en place des postes de support laboratoire qui sont des techniciens dédiés à la gestion des équipements, des locaux, de la logistique et de la qualité pour décharger au maximum les scientifiques. La création de poste de gestionnaire au sein des équipes scientifiques devient une nécessité pour faire tourner un laboratoire et permettre aux scientifiques de faire leur travail de scientifiques.