A l’attention des directrices et directeurs des Ecoles doctorales des établissements d’enseignement supérieur français.
Cher-e collègue,
Je vous contacte au nom du comité de coordination du collectif « Sciences en Marche », dont vous avez peut-être entendu parler, afin de solliciter le soutien de l’Ecole doctorale dont vous êtes responsable à l’action de défense de l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) que nous organisons du 27 septembre au 17 octobre 2014.
« Sciences en Marche » est une action de promotion et de défense de l’ESR dont la philosophie et le format font l’originalité et la force. Nous pensons en effet que nous n’atteindrons un poids politique suffisant pour obtenir une politique ambitieuse dans ce domaine qu’en gagnant l’adhésion du grand public, c’est-à-dire des électeurs, et en le convaincant que notre travail de recherche, de transmission et de diffusion des connaissances est porteur d’espoirs multiples pour la société. Pour cela, nous relierons à vélo un grand nombre de villes universitaires à Paris à l’occasion de la Fête de la Science, du 27 septembre au 18 octobre 2014, en accordant un soin particulier aux interactions avec le public tout au long de ces trois semaines d’action. Nous encouragerons également la participation active du public, qui pourra rouler avec nous, faire des dons, et que nous inciterons à assurer l’hébergement des relayeur/euses, via une action « adoptez un-e scientifique pour un jour ». Vous trouverez plus de détails sur notre site : sciencesenmarche.org. Nos soutiens incluent actuellement 15 sociétés savantes, de nombreuses structures de recherche, des sociétés scientifiques citoyennes, une association de malades, et une fondation caritative. Plus de 200 chercheurs, ingénieurs et universitaires distingués pour leurs travaux soutiennent également à titre individuel, dont Jules Hoffmann (Nobel Médecine 2011), Artur Avila (Médaille Fields 2014), et Margaret Buckingham (Médaille d’Or du CNRS 2013).
« Sciences en Marche » porte trois demandes que nous croyons consensuelles dans la communauté scientifique : 1) mettre en œuvre un plan pluriannuel ambitieux pour l’emploi statutaire à tous les niveaux (enseignants-chercheurs, chercheurs, IT, BIATSS) à la fois dans les universités et les organismes de recherche, 2) renforcer fortement les crédits de base des laboratoires et les budgets des universités, 3) faire que le doctorat soit en France, comme dans les autres pays, considéré comme une formation d’élite par les entreprises et la haute fonction publique.
C’est cette dernière demande qui nous conduit à solliciter votre soutien. Nous assistons en effet depuis quelques années à une baisse importante des vocations pour effectuer un doctorat. Ainsi le taux de poursuite des études de master vers le doctorat a chuté de près de 40% entre 2007 et 2011 (1). De plus, ce ne sont plus les meilleurs éléments qui choisissent de s’orienter vers un doctorat (2).
Deux phénomènes jouent sans doute un rôle important dans cette désaffection. Il s’agit d’une part du le tarissement des postes statutaires chercheurs/enseignants-chercheurs (entre 2010 et 2014, les recrutements d’enseignants-chercheurs ont baissé de 26% (3) ; ceux de chercheurs au CNRS, de 25% (4)). S’ajoute à ce phénomène la faible reconnaissance du doctorat hors du monde académique, que ce soit dans les entreprises privées où seuls 13% des chercheurs ont un doctorat (5), ou dans la haute fonction publique où seuls 2% des cadres de la fonction publique hors ESR sont docteurs, contre près de 20% dans la plupart des pays développés (6). Plus de 10% des docteurs sont au chômage 3 ans après la soutenance de leur thèse.
Pour lutter contre cette situation, nous demandons en premier lieu la mise en place d’un plan pluriannuel de plusieurs milliers d’emplois statutaires par an, qui couvrira les emplois enseignants-chercheurs et chercheurs, au même titre que les autres catégories de personnels des universités et organismes. Ce plan permettra d’une part de rajeunir et de dynamiser les laboratoires et les composantes des universités, et de résorber en partie la précarité qui s’est développée au cours des 10 dernières années.
Ce plan pluriannuel n’a pas pour vocation que l’ensemble des docteurs suive une carrière académique (la France forme plus de 10 000 docteurs par an). Le doctorat est dans les autres pays la formation d’élite qui forme les futurs cadres supérieurs de la nation dans tous les domaines d’activité. Ainsi, le gouvernement Allemand compte 6 ministres docteurs d’université, alors que le nôtre n’en compte aucun. Une meilleure reconnaissance de la valeur du doctorat d’université hors des carrières académiques permettrait de renforcer nos Ecoles doctorales et d’accroitre le nombre et la diversité des débouchés professionnels pour les docteurs.
En pratique, nous demandons la reconnaissance du diplôme de doctorat dans les conventions collectives et la fonction publique, afin que les docteurs soient embauchés à leur juste niveau de compétence et de rémunération. Il est également nécessaire d’encourager le recrutement des docteurs dans le secteur privé, qui se produit majoritairement dans les petites et moyennes entreprises. Le crédit impôt recherche est un instrument intéressant pour encourager ces recrutements, à la condition qu’il soit réformé et mieux utilisé. Nous demandons que le volet d’incitation au recrutement de docteurs soit maintenu, et que les années de doctorats soient prises en compte comme une expérience professionnelle. Cette aide ne doit néanmoins pas être la seule. Nous demandons l’ouverture par le ministère de réflexions, associant les écoles doctorales et les entreprises, sur l’évolution des parcours doctoraux, afin de préparer et de sensibiliser au mieux les docteurs à la diversité de leurs débouchés professionnels dans l’administration, la recherche publique ou le monde de l’entreprise. Cela pourrait inclure un renforcement du dispositif des contrats CIFRE de financement des doctorats, le taux de chômage des docteurs ayant bénéficié d’un tel contrat étant de moitié inférieur à celui de l’ensemble des docteurs.
Nous espérons que ces demandes recevront votre soutien et celui de votre école doctorale, et nous vous encourageons à en débattre avec vos collègues. Si vous désirez nous soutenir, il vous suffit de me l’indiquer par un courriel (patrick.lemaire@crbm.cnrs.fr), et d’afficher notre bannière sur le site internet de votre ED (fichier téléchargeable sur la page: http://sciencesenmarche.org/fr/telechargements/). Nous afficherons alors de notre côté le nom et l’identifiant de votre école doctorale sur la page soutiens de notre site internet.
J’espère, cher-e collègue, vous avoir convaincu de l’importance de soutenir ce mouvement original qui allie médiation scientifique et demande d’une politique ambitieuse pour l’ESR. N’hésitez pas à me contacter par email (patrick.lemaire@crbm.cnrs.fr) ou par téléphone au 0625101330 pour toute demande d’approfondissement.
Je vous remercie pour l’attention que vous porterez à ce message et j’espère vivement vous compter parmi nous.
Patrick Lemaire
Président de Sciences en Marche, Directeur de recherches au CNRS, Membre de l’EMBO
Sources: 1) « L’état de l’emploi scientifique en France ». Rapport 2013, Direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle, Direction générale pour la recherche et l’innovation. Page 35. 2) Avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi de finances pour 2014, Tome ix « Recherche et enseignement supérieur, Enseignement supérieur et vie étudiante » par M. Emeric Bréhier, page 12 3) « Quelques indicateurs concernant l’emploi dans l’ESR » Communiqué du bureau de la CP-CNU Juin 2014. 4) CNRS, annonces des campagnes de recrutements chercheurs 2010 et 2014. 5) « L’état de l’emploi scientifique en France ». Rapport 2013, Direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle, Direction générale pour la recherche et l’innovation. Page 106 6) Avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi de finances pour 2014, Tome ix « Recherche et enseignement supérieur, Enseignement supérieur et vie étudiante » par M. Emeric Bréhier, page 23