Lettre aux inscrits n°8
Bonjour,
Cette lettre se focalise sur l’action de Sciences en Marche pour une réduction de la créance du Crédit Impôt Recherche, que nous voyons à la fois comme nécessaire d’un simple point de vue d’éthique politique, et comme la meilleure piste pour accroitre le soutien gouvernemental à l’Enseignement Supérieur et la Recherche.
Vous trouverez dans cette lettre:
- Un compte rendu de l’audition de Sciences en Marche par la commission d’enquête sénatoriale sur « le détournement du Crédit Impôt Recherche et de ses incidences sur la situation de l’emploi et de la recherche dans notre pays ».
- Un appel à témoignage sur les utilisations frauduleuses du Crédit Impôt Recherche, que nous vous encourageons à diffuser autour de vous.
C’est grâce à votre mobilisation, notamment à l’automne dernier, que SeM peut porter ses revendications devant notre représentation nationale. Nous comptons sur vous pour participer aux prochaines actions que nous préparons pour que les revendications de SeM soient entendues.
Bonne lecture!
COMPTE RENDU DE L’AUDITION DE SCIENCES EN MARCHE PAR LA COMMISSION D’ENQUÊTE SÉNATORIALE
Jeudi 19 mars 2015 une délégation de Sciences en Marche (SeM) composée de P. Lemaire (CNRS, Montpellier), E. Riot (U. Reims, Laboratoire REGARDS) et F. Métivier (U. Paris Diderot & IPGP) a été entendue pendant une heure par la commission d’enquête parlementaire, représentée en l’occurrence par seulement trois sénateurs : le président M. Delattre (UMP), la rapporteure Mme Gonthier-Maurin (CRC), et une vice-présidente, Mme Bouchoux (EELV). SeM a présenté son analyse de l’efficacité du dispositif depuis sa réforme en 2008 jusqu’à l’année 2012 que vous pourrez trouver dans son intégralité ici. Le diaporama complet de la présentation est téléchargeable ici. Cette étude a fait la Une de Médiapart le 8 avril 2015 et celle de l’Humanité le 17 avril 2015.
- Concernant l’emploi des personnels de R&D.
- 82 % (~25000) des emplois créés par les entreprises en R&D sur cette période l’ont été par des entreprises de moins de 500 salariés alors que ces entreprises n’ont bénéficié que de 37% de la créance (~ 9Md€).
- 18% des emplois (~5500) en R&D ont été créés par des entreprises de plus de 500 salariés qui ont bénéficié de 67% de la créance (~ 15Md€);
- 80% des emplois créés par les PME l’ont été dans deux branches de services dont les activités de R&D sont en partie sujettes à caution.
- Seules 8% des entreprises bénéficiaires du CIR ont eu recours au dispositif favorisant l’emploi des docteurs. Ce dispositif n’empêche donc en rien la progression du chômage et la désaffection progressive pour les études et la recherche chez toute une génération d’étudiants.
- Concernant les dépenses de recherches.
- Les grandes entreprises détournent de façon persistante une part importante du CIR de son objectif d’accroissement des dépenses de R&D. On peut ainsi estimer que 6Md€ sur les 15Md€ perçus n’ont pas été utilisés dans l’objectif affiché d’accroître les dépenses de recherche des entreprises de plus de 500 salariés.
- Les PME, à l’inverse, ont bien investi l’argent reçu afin d’accroître leurs dépenses en proportion. Un surplus d’investissement de la part de ces entreprises est même probable.
- Concernant les risques de fraudes.
- La prolifération des cabinets de conseils, qui facturent jusqu’à 50% de la créance aux PME qu’ils aident à remplir leurs déclarations, et ne sont pas tenus responsables en cas de redressement fiscal, est de nature à inciter à la fraude au détriment des PME.
- En 2007, soit un an avant la réforme, l’augmentation spectaculaire des recrutements de cadres de R&D déclarés par les entreprises à l’APEC n’est pas corrélée à une augmentation du recrutements des chercheurs. Les dépenses de 2007 ayant servi au calcul de la créance de 2008, année de la réforme, il est probable qu’un nombre important de cadres (administratifs ou autres) ont été requalifiés en R&D afin d’accroître l’assiette des déclarations pour le CIR.
- Concernant les liens entre Recherche publique et industrie.
- La faiblesse du recrutement des docteurs, la non reconnaissance du doctorat par les conventions collectives sont autant de freins à une collaboration fructueuse entre les deux univers.
- L’Allemagne qui ne dispose pas d’un CIR fait mieux dans tous les domaines (dépenses, emplois, innovation) que la France.
SeM a donc montré que l’efficacité du dispositif, tant vantée par les gouvernements successifs, apparaît au mieux restreinte aux PME et à elles seules. Des comportements opportunistes ont conduit au détournement de plusieurs milliards d’euros de leur objectif notamment par les grandes entreprises.
Ces pertes de recettes pour l’État se sont faites au détriment du développement, voire du maintien, d’une recherche et d’un enseignement supérieur de qualité en France. À titre d’exemple, à ce jour, les universités françaises ne connaissent toujours pas leur budget pour l’année 2015. En effet, le ministère des finances réclame 100M€ d’économies supplémentaires au MENESR (sur un budget 2015 déjà en baisse par rapport à 2014) et met ainsi ce dernier dans une posture très délicate vis-à-vis des établissements d’enseignements supérieurs. La Conférence des Présidents d’Université a récemment indiqué qu’une telle ponction conduirait à la fermeture de cursus universitaires. Les représentants de SeM ont pointé le caractère dérisoire de cette somme par rapport aux créances d’impôt CIR détournées.
APPEL À TÉMOIGNAGE SUR LES UTILISATIONS FRAUDULEUSES DU CRÉDIT IMPÔT RECHERCHE
La publication du rapport de Sciences en Marche sur l’impact du CIR a suscité un intérêt important auprès des journalistes (de presse écrite ou audiovisuelle) qui cherchent à rentrer en contact avec des personnes susceptibles de témoigner de la déclaration ou de l’utilisation frauduleuses du CIR. Ils cherchent en particulier des exemples précis et si possible chiffrés de dérives inacceptables. Plusieurs articles ou émissions sont en préparation, le détournement de plusieurs milliards d’euros dans le contexte budgétaire serré actuel étant un sujet d’intérêt général.
Si vous pouvez apporter un témoignage, ou si vous connaissez quelqu’un susceptible de le faire, contactez-nous par courriel (contact@sciencesenmarche.org) et nous vous mettrons en contact avec les rédactions.