Audition d’une délégation de Sciences en marche par la commission d’enquête sénatoriale sur la réalité du détournement du CIR de son objet et de ses incidences sur la situation de l’emploi et de la recherche en France.

Jeudi 19 mars à 11h45 une délégation de Sciences en marche (SeM) composée de P. Lemaire (CNRS, Montpellier), E. Riot (U. Reims, Laboratoire REGARDS) et F. Métivier (U. Paris Diderot & IPGP) a été entendue par la commission d’enquête parlementaire. L’entretien a duré une heure. Durant cette Audition les représentants de SeM ont rapporté les résultats d’une analyse portant sur l’efficacité du dispositif depuis la reforme de 2008 jusqu’à l’année 2012. Cette analyse a été effectuée à partir des données rendues disponibles au public (en particulier MESR1, OCDE2, Union Européenne).

Les résultats exposés par les représentant de SeM sont résumés ci dessous et le diaporama complet de leur présentation est téléchargeable ici. Sciences en Marche s’associe également à la journée d’étude sur le CIR organisée le 27 mars.

  1. Concernant l’emploi des personnels de R&D.

    • 82 % (~25000) des emplois créés par les entreprises en R&D sur cette période l’ont été par des entreprises de moins de 500 salariés alors que ces entreprises n’ont bénéficié que de 37% de la créance (~ 9Md€).

    • 18% des emplois (~5500) en R&D ont été créés par des entreprises de plus de 500 salariés qui ont bénéficié de 67% de la créance (~ 15Md€);

    • 80% des emplois créés par les PME l’ont été dans deux branches de services dont les activités de R&D sont en partie sujettes à caution.

    • Seules 8% des entreprises bénéficiaires du CIR ont eu recours au dispositif favorisant l’emploi des docteurs. Ce dispositif n’empêche donc en rien la progression du chômage et la desaffection progressive pour les études et la recherche chez toute une génération d’étudiants;

  2. Concernant les dépenses de recherches.

    • Les grandes entreprises détournent de façon persistante une part importante du CIR de son objectif d’accroissement des dépenses de R&D . On peut ainsi estimer que 6Md€ sur les 15Md€ perçus n’ont pas été utilisés pour accroître, comme c’en était l’objectif, les dépenses de recherche des entreprises de plus de 500 salariés.

    • Les PME, à l’inverse, ont bien investit l’argent reçu afin d’accroître leur dépenses en proportion. Un surplus d’investissement de la part de ces entreprises est même probable.

  3. Concernant les risques de fraudes.

    • La prolifération des cabinets de conseils, qui facturent jusqu’à 50% de la créance aux PME qu’ils aident à remplir leurs déclarations, et ne sont pas tenus responsables en cas de redressement fiscal, est de nature à inciter à la fraude au détriment des PME.

    • En 2007, soit un an avant la réforme, l’augmentation spectaculaire des recrutements de cadres de R&D déclarés par les entreprises à l’APEC n’est pas corrélée à une augmentation du recrutements des chercheurs. Les dépenses de 2007 ayant servi au calcul de la créance de 2008, année de la réforme, il est probable qu’un nombre important de cadres (administratifs ou autres) ont été requalifiés en R&D afin d’accroître l’assiette des déclarations pour le CIR.

  4. Concernant la Recherche public et l’industrie.

    • La faiblesse du recrutement des docteurs, la non reconnaissance du doctorat par les conventions collectives sont autant de freins à une collaboration fructueuse entre les deux univers.

    • L’Allemagne qui ne dispose pas d’un CIR fait mieux dans tous les domaines (dépenses, emplois, innovation) que la France.

SeM a donc montré que l’efficacité du dispositif, tant vantée par les hommes politiques de tous bords, apparaît au mieux restreinte au PME et à elles seules. Des comportements opportunistes ont conduit au détournement de plusieurs milliards d’euros de leur objectif notamment par les grandes entreprises.

SeM n’a pu que constater que les pertes de recettes pour l’état se sont faites au détriment du développement, voire du maintien, d’une recherche et d’un enseignement supérieur de qualité en France.

Les représentants de SeM ont, à titre d’exemple et pour conclure, rappellé au membres de la commission, qu’au jour de l’audition, les universités française ne connaissaient toujours pas leur budget pour l’année 2015. En effet ministère des finances réclame 100M€ d’économies supplémentaires au MESR et met ainsi ce dernier dans une posture très délicate vis à vis des établissements d’enseignements supérieurs. Les représentants de SeM ont pointé le caractère dérisoire de cette somme par rapport aux montants évoqués précédemment.

SeM transmettra au rapporteur de la commission un rapport détaillant les analyses qui conduisent à ces conclusions.

Pour SeM: P. Lemaire, E. Riot, F. Métivier

PS: Nul citoyen ne peut se soustraire à une convocation pour audition devant une commission d’enquête parlementaire3. Il semblerait que cette obligation ne s’applique pas aux membres des commissions. Seuls 3 sénateurs, sur les 21 que comptent la commission, ont assisté aux audiences du 19 mars alors que le CIR représente une aide fiscale parmi les plus importantes de notre pays.

  1. Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
  2. Organisation pour la coopération et le développement économique
  3. Articles 6-II et 6-III de l’ordonnance N° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

 

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