La marche qui a conduit des centaines de scientifiques de toutes disciplines jusqu’à Paris le 17 octobre, et qui s’est achevée par une grande manifestation rassemblant près de 8000 personnes, a été un grand succès car elle a permis d’attirer l’attention des média, du public et des politiques sur les graves difficultés que connaît l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR). Elle a permis de mettre sur le devant de la scène la question du gaspillage que représente le Crédit Impôt Recherche (CIR) et de la nécessité du redéploiement d’une partie significative des 6 milliards d’euros qui lui sont consacrés vers le système public d’ESR. Un certain nombre de députés ont pris fait et cause pour l’ESR et défendent désormais nos idées devant l’Assemblée Nationale. De plus, une commission d’enquête vient d’être créée par le Sénat pour passer au crible les dépenses liées au CIR et évaluer jusqu’à quel point il est utilisé comme une « niche fiscale » par les grandes entreprises. La marche a également permis de retisser des liens entre les différentes catégories de personnels, tant des organismes de recherche que des universités, toutes disciplines confondues. Une nouvelle fois, merci à vous tous qui vous êtes investis dans cette formidable action collective.
La situation de l’ESR continue de se dégrader
Force est néanmoins de constater que le chef de l’Etat et le gouvernement n’ont pas répondu à notre appel ni tenu compte de nos propositions pour une politique ambitieuse pour l’ESR. Les amendements déposés à l’Assemblée Nationale pour un encadrement plus strict du Crédit Impôt Recherche ont tous été rejetés. En revanche, un amendement de dernière minute a amputé de 136 millions d’euros le budget de l’ESR dans le programme de loi de finance 2015 adopté en première lecture. Si le nombre de postes ouverts au concours au CNRS a été maintenu au niveau de celui de l’an passé, l’INSERM a baissé de 20% le nombre de postes de chercheurs et de 30% celui des ingénieurs, techniciens et administratifs pour le concours 2015. Quant aux universités, dont le budget global (en faible diminution) les oblige à réduire la qualité et la diversité de leurs enseignements du fait de l’augmentation de leurs charges, elles vont être frappées lourdement par la suppression de 1,2 milliards du CPER 2015-2020, qui sert notamment au financement des infrastructures.
Le Tumblr « Ruines d’Universités » et la journée nationale du 11 décembre
C’est pourquoi le collectif Sciences en Marche s’est associé à la journée d’action lancée par l’intersyndicale et d’autres collectifs le jeudi 11 décembre dernier. Diverses actions ont été menées par les comités locaux de Sciences en Marche dans différentes villes, notamment Paris, Toulouse, Strasbourg, Clermont, Lyon, Montpellier, Nancy, Le Mans… très souvent en association avec d’autres organisations. Outre des manifestations classiques avec banderoles, slogans et tracts, des défilés aux flambeaux, des discussions avec le public et l’érection de “murs de la colère” ont eu lieu dans certaines villes, notamment devant le Panthéon, à l’arrivée de la manifestation parisienne. Les étudiants se sont souvent joints aux cortèges qui ont rassemblé de 100 à 2000 personnes selon les villes. Le lancement par Sciences en Marche, quelques jours auparavant, du Tumblr “Ruines d’Université” illustrant l’état de délabrement des universités françaises, a clairement accru la couverture médiatique de cette journée d’action. Les manifestations ont en effet été mentionnées par la presse écrite, la radio, la télévision jusque dans les journaux de 20h des grandes chaînes nationales comme TF1 ou France 2. Nous vous invitons à continuer d’alimenter ce Tumblr avec des photos de vos lieux de travail (amphis, laboratoires..).
On est malheureusement loin d’une sanctuarisation de l’ESR
Le 11 décembre, le chef de l’Etat a annoncé très opportunément qu’il reviendrait sur la baisse de 70 millions d’euros affectant le budget des universités adopté en première lecture à l’assemblée nationale. Cette annonce traduit certainement une crainte du pouvoir exécutif face à la mobilisation de l’ESR des derniers mois à laquelle Sciences en Marche a contribué. La mobilisation a donc un effet. Il ne faut cependant pas se laisser abuser par cette annonce qui n’est qu’une tentative de désamorcer le mouvement et n’améliore en rien l’état de l’ESR. En effet, les budgets restitués à l’Université sont en partie prélevés sur des programmes de financement de la recherche ou de l’Education nationale. L’Agence Nationale pour la Recherche, source principale de financement des laboratoires, voit ainsi son budget réduit de 20 millions d’euros supplémentaires, l’enseignement scolaire de 15 millions d’euros. Ce sont au total près de 90 millions d’euros de crédits recherche qui ont été supprimés du projet de loi de finances initial. En outre, l’ESR subit près de 500 millions d’euros de coupes entre le correctif budgétaire 2014 adopté cette semaine et le projet de plan contrat état région 2015-2020 (voir le communiqué du groupe JP Vernant). Nous estimons au contraire qu’il faudrait 2 milliards d’euros d’investissement supplémentaire par an et pour 10 ans pour que l’ESR puisse remplir correctement ses missions. Le redéploiement d’une partie du Crédit Impôt Recherche permettrait d’atteindre cet objectif sans accroître le déficit public, ni affecter les autres secteurs du budget de l’Etat.
Rejoignez nous pour renforcer l’action de Sciences en Marche
Si la mobilisation a un effet, il semble donc que nous devions amplifier encore notre effort. Le collectif Sciences en Marche est ainsi entré dans une deuxième phase qui s’inscrit dans la durée. Plus que jamais nous avons besoin de votre contribution et de vos idées originales pour continuer d’alerter le public et les élus, et finir par infléchir la politique actuelle. Nous avons besoin de vos compétences et de votre participation pour faire vivre et enrichir la partie “grand public” de notre site Web, pour lancer d’autres actions de communication comme le Tumblr, pour rassembler des témoignages sur les difficultés quotidiennes des différents acteurs de l’ESR. Au niveau des actions en cours, si vous êtes chercheur en SHS au CNRS, vous pouvez signifier votre mécontentement au travers du RIBAC. Nous organiserons bientôt une campagne de sensibilisation de l’ensemble des députés et sénateurs du territoire. L’idée est d’expliquer aux élus, par des chiffres mais aussi par le témoignage de notre vécu, les graves difficultés que connaît l’ESR et l’importance pour le pays de soutenir ce secteur. Nous demanderons aux différentes personnalités rencontrées de se positionner clairement sur un certain nombre de questions. Les réponses seront publiées sur notre site Web. L’objectif visé est que les amendements sur le Crédit Impôt Recherche soient adoptés, qu’un budget ambitieux pour l’ESR soit voté lors du débat sur le prochain projet de loi de finances, qu’un plan pluriannuel pour l’emploi statutaire à tous les niveaux de l’ESR voit enfin le jour et que le doctorat soit reconnu dans les conventions collectives et la haute fonction publique. En parallèle, SeM continuera les actions ponctuelles et coordonnées nationalement, dans le but de sensibiliser les décideurs politiques et le grand public. La route est certainement encore longue mais nous pouvons y arriver avec la contribution de toutes et tous. N’hésitez pas à nous écrire à contact@sciencesenmarche.org si vous voulez participer d’une manière ou d’une autre.
Joyeuses fêtes à toutes et à tous et à l’année prochaine, en espérant vous compter parmi les membres actifs de Sciences en Marche.
Le comité de pilotage de Sciences en Marche