Créée il y a 10 ans, l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR) est progressivement devenue une source majeure de financements des projets des laboratoires par le biais d’appels d’offres annuels. Les résultats de son appel d’offres principal pour 2015 ont été publiés le vendredi 24 juillet (1). Ils illustrent la faible priorité que nos dirigeants accordent à la recherche scientifique.
Pour la deuxième année consécutive, moins de 10% des projets déposés par les laboratoires français sont financés. Le nombre de projets financés est même en baisse par rapport à 2014 (2). Les moyens récurrents alloués aux laboratoires par les universités et les organismes de recherche étant en repli constant depuis une dizaine d’années (3), ce sont encore moins d’équipes de recherche de notre pays qui auront les moyens de travailler.
Le nombre de projets soumis à l’appel 2015 est en repli de 18% par rapport à l’appel 2014 (6897 contre 8338 projets éligibles, respectivement). Cette baisse des soumissions reflète probablement la démobilisation de nombreux laboratoires face à des appels d’offres chronophages pour les chercheurs et dont le taux de succès est tellement faible que la sélection en devient arbitraire.
Comment comprendre que les gouvernements successifs persistent dans une politique qui prive les scientifiques des moyens d’accomplir les missions pour lesquelles ils ont été recrutés ? Des études ont pourtant montré que la concentration des financements sur un petit nombre d’individus ou d’équipes est moins efficace qu’une répartition plus égalitaire et diversifiée (4). De plus, la multiplication des structures de financement de la recherche a un coût de gestion important: pour l’ANR, il était 33 M€ pour l’année 2014.
Pour Sciences en Marche, il est urgent de rééquilibrer le financement des laboratoires en renforçant très fortement les crédits récurrents attribués par les tutelles et en réduisant en conséquence la proportion du financement par appel d’offres. Par ailleurs, l’analyse que nous avions faite en 2014 (5) n’a rien perdu de son actualité. Sans un effort financier majeur, que nous estimons à 2 Md€/an, le lent déclin de la recherche et l’enseignement supérieur français et la précarisation des personnels se poursuivront. Une réforme du Crédit Impôt Recherche permettrait de dégager les moyens financiers nécessaires.
Notre société et le monde qui nous entoure vivent actuellement des transformations sociales, technologiques et environnementales d’une ampleur et d’une rapidité inédite. Seule une recherche académique et un enseignement supérieur publics de qualité permettront de relever le défi de ces changements.
Par exemple, au moment où la France s’apprête à accueillir la conférence internationale sur le climat (COP21), il convient de rappeler que les efforts diplomatiques ne pourront limiter le dérèglement climatique que s’ils s’accompagnent d’un investissement scientifique majeur dans de très nombreuses disciplines. Nos dirigeants y sont-ils prêts?
- http://www.agence-nationale-recherche.fr/financer-votre-projet/appel-a-projet-generique-actualites
- 667 projets nationaux ont été financés cette année, contre 711 en 2014.
- Bien loin de la sanctuarisation affichée des budgets de l’Enseignement Supérieur et la Recherche, c’est bien à une décroissance constante des budgets que nous assistons actuellement comme l’indique un récent rapport sénatorial : http://www.senat.fr/rap/l14-604-2/l14-604-21.pdf (pages 339 et suivantes)
- « La concentration des fonds de recherche et ses effets », 2013, Vincent Larivière, http://www.acfas.ca/publications/decouvrir/09/2013; et « Big Science vs. Little Science: How Scientific Impact Scales with Funding » 2013, Jean-Michel Fortin, David J. Currie, PLoS ONE 8(6): e65263, http://dx.doi.org/10.1371/journal.pone.0065263
- http://sciencesenmarche.org/fr/financement-des-laboratoires