Réponse à Manuel Valls sur le financement des universités (4-10)

Communiqué de presse du 04 10 2014

Investissements d’avenir politique « d’excellence » : un refrain lénifiant bien rodé mais des conséquences délétères

Réponse à Manuel Valls sur le financement des universités.

En déplacement à Besançon le 29 septembre, le Premier Ministre Manuel Valls, la Ministre de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) Najat Vallaud-Belcacem et la Secrétaire d’état à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche Geneviève Fioraso ont annoncé « 3 milliards de plus » pour les universités.

Dans la grande tradition initiée par Valérie Pécresse sous la présidence de Nicolas Sarkozy, les annonces de milliards continuent à pleuvoir sur l’ESR. Pourtant, dans les universités et les laboratoires de recherche publics, nous assistons à une paupérisation toujours plus grande.

Cette nouvelle opération de communication de la part de nos ministres vise très certainement à tenter de désamorcer la colère qui s’exprime à tous les niveaux de l’ESR, et notamment au travers de l’initiative « Sciences en marche ».

Mais les faits sont têtus : cette déclaration est à la fois un non-événement, un leurre et un cadeau empoisonné.

C’est un non-événement, car ces 3 milliards qui s’inscrivent en fait dans l’Initiative d’avenir n°2 et qui serviront à financer de nouvelles Initiatives d’Excellence (IDEX) et des « I-Sites » (des sites universitaires de taille régionale avec une spécialité forte) ont déjà été annoncés par le Président de la République lors d’un déplacement à Strasbourg en février dernier.

C’est un leurre, car comme le souligne le rapport du sénat (1), « les campus sélectionnés ne recevront que le produit du capital mis à leur disposition », de l’ordre de 4% de la dotation annoncée (2). En pratique, les établissements sélectionnés ne se partageront donc au total qu’un peu plus de 100 millions d’euros annuels, soit 0,8% du budget total des universités (12,1 milliards d’euros en 2014).

Enfin, c’est un cadeau empoisonné car les universités et les organismes de recherche ont pu mesurer ces dernières années la nocivité et les dangers de ce nouveau type de financements. Les projets dits « d’excellence » constituent en effet une bombe à retardement pour l’ESR : ils montent actuellement en puissance grâce aux financements et au personnel temporaire (plus de 50% de l’enveloppe distribuée, voir 2, page 173) qui leur sont dévolus, mais rapidement ce personnel précaire arrivera en fin de contrat et des recrutements statutaires seront nécessaires pour maintenir ces projets dits « d’avenir » ; recrutements qui ne pourront être honorés au regard du nombre de postes créés actuellement. D’autre part, les financements d’avenir ne sont pas pérennes, ce qui aura pour conséquence d’amputer encore plus les crédits récurrents des établissements puisque ceux-ci seront alors tenus de financer sur leurs fonds propres les structures créées par les initiatives d’avenir. De plus, la charge financière accrue sur les établissements est immédiate, puisque le financement des coûts indirects (gestion, infrastructures, formation des personnels…) liés à ces projets n’est déjà pris en charge que très partiellement par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). Finalement, ces projets induisent une concurrence délétère entre établissements, laboratoires et chercheurs.

Ce n’est pas ainsi que nous concevons l’excellence pour la Recherche et l’Enseignement supérieur.

Nos ministres n’annoncent donc en rien une nouvelle enveloppe budgétaire, et encore moins une réponse aux attentes de la communauté scientifique qui ne réclame pas des financements « d’excellence » mais des financements de base lui permettant de remplir ses missions ainsi qu’un véritable plan pluri-annuel d’emplois permettant d’offrir un avenir aux milliers de « précaires de la recherche ». C’est le sens des 2 milliards  annuels pendant 10 ans que demande Sciences en marche » (3). La science et l’éducation ont aujourd’hui besoin d’un effort important et soutenu pour redynamiser notre système d’ESR. Les moyens existent, ce n’est qu’une question de volonté politique : une grande partie du CIR (Crédit Impôt Recherche, 6 milliards d’euros annuels) est inefficace, voire  détournée. Nous demandons un redéploiement de ces fonds mal utilisés vers le système public d’ESR qui saura en faire bon usage et qui en a cruellement besoin.

1) http://www.senat.fr/rap/l13-156-322/l13-156-32210.html

2) Rapport de la cour des comptes « Lancement du programme des investissements d’avenir relevant de la mission recherche et enseignement supérieur »

3) http://sciencesenmarche.org/fr/communique-de-presse/

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