Appel : l’emploi scientifique et l’enseignement supérieur, des objectifs prioritaires

Les enjeux majeurs pour l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) pour les années à venir sont le financement public et les emplois permanents. Depuis 10 ans, l’effort budgétaire pour l’enseignement supérieur et la recherche de la France s’est profondément dégradé au regard de celui de la plupart des autres pays développés. Le nombre d’étudiant-e-s augmente alors que les capacités d’accueil diminuent et que des filières et des services ferment. Il est temps d’infléchir cette politique. Pour cela, nous souhaitons intervenir dans le débat public sur l’utilisation des moyens de l’Etat pour le développement de la recherche et de l’enseignement supérieur au niveau national. Des personnalités scientifiques et syndicales ont cosigné un appel pour que le budget 2016 du service public de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche soit en nette progression par rapport à celui de 2015. En mesurant les enjeux pour l’avenir de la recherche et de l’enseignement supérieur ainsi que pour toute une génération de jeunes, nous vous invitons à signer et faire signer cet appel.

Adresse du site :

http://www.urgence-emploi-scientifique.org/appel2015

Communiqué de presse 4 septembre 2014

Sciences en Marche porte ses revendications aux sommets

 A l’occasion de la nomination de M. Mandon au poste de secrétaire d’état en charge de l’ESR, Sciences en Marche (SeM) a interpellé ce dernier par le biais d’une lettre ouverte. Faisant suite à cette lettre, M. Mandon a reçu une délégation du collectif le 26 aout au ministère de l’ESR. Le même jour, dans la tradition des actions originales et sportives de SeM, une autre délégation s’est rendue au sommet du Mont Blanc pour porter les couleurs du collectif. Une ascension emblématique (voir le récit détaillé ici) à plus d’un sens : non seulement ce sommet bénéficie d’une aura certaine, mais il est aussi l’objet permanent d’études scientifiques. Rien ne peut arrêter la quête de connaissance scientifique, pas même la haute montagne et les conditions peu humaines qui y règnent.

 Dans des conditions moins glaciales que prévues, la délégation parisienne a pu constater, lors de son entretien avec M. Mandon, un certain changement …de ton, puisque ce dernier a reconnu la gravité de la situation dans l’ESR, ce qui n’était pas le cas lors des entretiens avec Mme. Fioraso. Quelques mesures d’urgence ont été discutées par M. Mandon axées en particulier sur la précarité dans nos métiers (voir notre rapport détaillé). Il prévoit notamment une anticipation sur les départs en retraite dans les organismes de recherche, ce qui permettrait de maintenir le nombre de postes mis au concours dans les années qui viennent, et préconiserait une CDIsation plus importante au sein des universités/COMUEs. M. Mandon a également indiqué vouloir “drainer” sur le crédit impôt recherche sans remettre en cause fondamentalement cette niche fiscale ni donner plus de détails sur le mécanisme qui sera proposé. Rappelons que le CIR profite aux entreprises à hauteur de 6 milliards d’euros et SeM a largement contribué à dénoncer les dérives de son utilisation.

A quand le dégel ?

Si ces annonces ont le mérite d’envoyer un signal positif vers la communauté, aucune n’est, aux yeux de SeM, à la hauteur de la gravité de la situation. Pour Sciences en Marche, un investissement supplémentaire d’au moins 2 milliards d’euros annuels sur une période de 10 ans, dédié pour moitié à la mise en place d’un plan pluriannuel d’emploi statutaire et pour moitié à une augmentation des dotations d’état aux universités et organismes de recherche est nécessaire. A ce jour, il n’est toujours pas question d’un tel plan. Pour cette raison, le collectif reste mobilisé en cette rentrée académique et organisera sa Fête de la Science, en OFF et une grande manifestation le 16 octobre (plus de détails à venir sur notre site).

Informations supplémentaires

Sciences en marche est un collectif d’acteurs du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) de toutes disciplines, créé au printemps 2014 et dont l’objectif est de lutter contre les dérives qui menacent aujourd’hui ce secteur. Ce collectif s’est illustré par ses actions originales alliant vulgarisation scientifique et démarche militante, dont l’organisation en octobre dernier d’une grande marche à travers la France, qui a permis de remettre les thématiques de l’ESR au coeur du débat politique. De nombreuses actions sont prévues cet automne en préparation de la discussion du projet de loi de finances 2016 et autour de la COP21, une conférence dont les enjeux scientifiques sont aussi importants que les enjeux diplomatiques.

Une délégation de Sciences en Marche reçue par le Secrétaire d’Etat à l’Enseignement Supérieur et la Recherche

Suite à la publication de notre lettre ouverte à Thierry Mandon en début d’été[1], une délégation de Sciences en Marche a été reçue mercredi 26 août 2015 par le secrétaire d’état à l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) et une partie de son équipe[2].

À son invitation, nous avons brièvement présenté notre analyse de la situation actuelle de l’ESR en insistant sur les conséquences de la politique des dernières années, qui a fortement augmenté la part des financements contractuels via l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et les Plans d’Investissements d’Avenir (PIA), sans accroissement sensible de l’effort financier de l’état. Ce constat a conduit à une discussion sur les moyens de résoudre certains des problèmes les plus urgents, la précarité notamment.

Le constat de Sciences en Marche

Cette politique a conduit simultanément à une forte baisse des recrutements sur postes statutaires et à l’explosion de l’emploi en CDD de chercheurs et de personnels techniques et administratifs dans les universités et organismes de recherche. Les personnels contractuels constituent souvent plus de 30% de la main d’oeuvre et ce sont au total plus de 40000 personnes (hors contrats doctoraux), souvent hautement qualifiées, qui à l’issue de quelques années passées dans l’ESR doivent le quitter, au moment où elles sont pleinement formées et efficaces. Du fait de la mauvaise reconnaissance des formations par la recherche, du doctorat notamment, dans les fonctions publiques hors ESR et les entreprises privées, une part importante de ces personnels se trouve actuellement dans une situation de précarité inquiétante[3].

La situation dans les universités est particulièrement préoccupante tant elle semble en décalage avec la volonté gouvernementale d’amener 50% d’une classe d’âge à un diplôme universitaire. Les locaux sont souvent vétustes[4], les capacités d’accueil insuffisantes conduisent à l’organisation de tirages au sort lors des inscriptions en première année[5]. La politique de fléchage préférentiel des ressources vers un petit nombre d’universités via les PIAs parait incompatible avec la volonté de donner accès aux études supérieures à chaque bachelier.

Les réformes récentes ont de plus conduit à un empilement de structures qui en compliquent la gestion. Les fortes incitations aux fusions ou regroupements d’universités, sous prétexte de visibilité internationale semblent oublier que les universités au sommet du classement de Shanghai sont petites mais très richement dotées[6], alors que l’université américaine accueillant le plus grand nombre d’étudiants se situe dans les profondeurs du classement[7]. Enfin, la pérennité de nombreuses infrastructures créées par les PIAs est mal assurée, aucun recrutement n’étant prévu pour la seconde phase des projets.

La situation professionnelle des docteurs en France tranche avec le reste des pays de l’OCDE. Alors que le doctorat ouvre les portes des postes à responsabilités dans les entreprises et les administrations de la plupart des pays, les compétences des docteurs peinent à être reconnues hors de l’ESR dans notre pays. Ce problème de manque de reconnaissance, ancien, est actuellement exacerbé par le tarissement des postes dans l’ESR. Les incitations fiscales très généreuses à l’emploi des docteurs dans le Crédit Impôt Recherche (CIR) ne suffisent pas à changer significativement une situation qui résulte de la méconnaissance des formations par la recherche par des décideurs souvent issus des grandes écoles.

Enfin nous avons souligné que les aides publiques annuelles à la recherche privée (CIR) sont passées depuis 2007 de 1,7 milliards à plus de 5 milliards d’euros, alors que l’effet de cette créance sur l’emploi scientifique et l’investissement propre en recherche des entreprises reste décevant[8].

Les réactions du Ministre

À la différence de sa prédécesseure, le Ministre ne conteste pas l’ampleur des difficultés qui se sont accumulées dans l’ESR et partage largement le constat qui lui est présenté. Il désire apporter des réponses rapides et pragmatiques, dans la limite de l’étendue de ses prérogatives, et souhaite consulter et associer la communauté académique à cette démarche.

Comme nous, il constate qu’il y a un déficit important de chiffrage, et que ce déficit nuit à la construction d’un état des lieux précis de l’ESR, incluant une analyse détaillée des budgets consolidés, récurrents et contractuels, des laboratoires et universités mais aussi une meilleure connaissance du profil des contractuels et de leur situation professionnelle. Il prône une approche scientifique de la collecte et de l’analyse des chiffres, et semble prêt à y associer la communauté académique.

Thierry Mandon est conscient du déficit de financement de l’ESR, et de la nécessité d’assurer un budget renforcé sur la durée. Il estime que l’investissement immobilier nécessaire serait à lui seul de l’ordre de plusieurs milliards d’euros sur 10 ans. Il se prépare à défendre le budget de l’ESR cet automne lors de la discussion du projet de loi de finances 2016.

Il est conscient de l’étendue des problèmes causés par le recours excessif à l’emploi contractuel dans l’ESR et réfléchit avec son équipe à un faisceau de mesures visant à résorber la précarité à court terme. Parmi les pistes, une anticipation sur les départs en retraite à venir dans les prochaines années, une CDIsation plus importante au sein des universités/COMUEs et une réflexion sur la pertinence des emplois contractuels dans le cadre de l’ANR et les PIAs. Ces discussions sont restées trop imprécises pour en estimer la portée éventuelle. Pour Thierry Mandon un bilan des deux premiers PIAs, dont la mise en place a souvent été imposée aux organismes et qui ne peuvent en assurer la pérennité, est nécessaire avant tout lancement d’un nouveau programme de ce type.

Enfin, Thierry Mandon est très sensible à la faible reconnaissance des compétences des docteurs dans la société. Il fait le constat que l’impact du CIR sur l’emploi de docteurs en entreprises est insuffisant et qu’il serait opportun de demander aux entreprises qui le perçoivent une contrepartie d’embauche de docteurs. Il considère que l’Éducation Nationale, au sein du même ministère, doit jouer un rôle pilote dans une reconnaissance et des recrutements de docteurs dans la fonction publique. L’organisation rapide d’une conférence sur les carrières scientifiques a été évoquée, qui impliquerait la diversité des acteurs institutionnels, associatifs et syndicaux, publics et privés, concernés.

La discussion se conclut par un chapitre sur les modalités d’application des lois Sauvadet et Le Pors. La CDIsation de personnels contractuels sur fonds propres des universités a été évoquée comme solution possible pour résorber une partie de la précarité et des exemples ont été donnés (par B. Monthubert pour le cas toulousain). Les organismes de recherche sont très en retrait sur la CDIsation. Le ministère n’a pas apporté de réponse à nos interrogations sur l’interprétation très variable et parfois paranoïaque qui est faite par les organismes de recherche du nombre d’années et du type de CDD à prendre en compte et a renvoyé à des problèmes “internes” ou “juridiques »  (ex. l’INRA compte les années de thèse alors que l’article 4 du titre 1 de la loi Sauvadet précise que « [les services] accomplis dans le cadre d’une formation doctorale n’entrent pas dans le calcul de l’ancienneté […] »).

Une partie des propos ci-dessus ont été confirmés publiquement par Thierry Mandon lors de l’Université d’été du PS[9]

Notre analyse

Nous saluons le changement de ton à la tête de l’ESR, et des prises de positions du secrétaire d’état que nous considérons encourageantes. Néanmoins, seule l’annonce rapide de mesures concrétisant ce nouvel état d’esprit pourra redonner confiance à une communauté académique en désarroi et qui a souvent eu le sentiment de ne pas être partie prenante des réformes qui lui étaient imposées.

Lors de cet entretien, le secrétaire d’état a principalement montré son désir de trouver des solutions à court terme, et à enveloppe budgétaire constante, à des problèmes urgents notamment en matière d’emploi scientifique contractuel précaire, incluant aussi bien les chercheurs/enseignants chercheurs que les personnels techniques et administratifs.

Si cette approche pragmatique est nécessaire, elle doit s’accompagner d’une réflexion sur l’évolution à moyen et long terme du financement et des modes d’organisation des universités et des laboratoires, qui tire les leçons des errances des dernières années. Le contenu de la Stratégie Nationale de l’Enseignement Supérieur qui sera publiée à l’automne sera une première indication de la volonté de redonner une cohérence à un système exsangue. La capacité de M. Mandon à convaincre ses collègues au sein du gouvernement d’investir en 2016, même et surtout en période de crise, dans le futur de notre pays sera un test de son poids politique. Car l' »excellence », tant mise en avant par les politiques, a un prix: la productivité du système de recherche d’un pays, quel que soit son mode d’organisation, est parfaitement corrélée avec le niveau d’investissement public. La réduction du périmètre du très critiqué et partiellement inefficace Crédit d’Impôt Recherche, et l’utilisation du surplus budgétaire généré pour augmenter le budget de l’ESR nous apparait comme un moyen privilégié d’action.

En nommant Thierry Mandon à la tête de l’ESR, François Hollande et Manuel Valls ne pouvaient ignorer ses positions. Sa nomination peut être vue soit comme le début d’un changement de politique, soit comme une ultime tentative pour calmer le monde académique à l’approche des élections, en lui donnant un interlocuteur plus attentif mais avec une marge de manoeuvre qui reste très réduite.

Pour Sciences en Marche un investissement supplémentaire d’au moins 2 milliards d’euros annuels sur une période de 10 ans, dédié pour moitié à la mise en place d’un plan pluriannuel d’emploi statutaire et pour moitié à une augmentation des dotations d’état aux universités et organismes de recherche est nécessaire. A ce jour, il n’est toujours pas question d’un tel plan.

La discussion budgétaire de l’automne montrera si ce gouvernement socialiste préfère maintenir, via le CIR, une niche fiscale favorable à des grands groupes bénéficiaires, ou investir dans la formation des jeunes français et la capacité d’innovation des laboratoires publics. La communauté scientifique s’invitera dans cette discussion à travers les actions organisées par Sciences en Marche et ses partenaires cet automne.


[1] http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2015/07/sciences-en-march.html

[2] La délégation était composée de Olivier Berné (Chercheur CNRS, Toulouse), Philippe Gambette (Maitre de conférences, Univ. Paris Est), Lucile Greiveldinger (IR CDD INRA, Avignon), Patrick Lemaire (Chercheur CNRS, Montpellier), François Métivier (Professeur, Univ. Paris Diderot, Paris). Thierry Mandon était entouré de Anne Peyroche, conseillère recherche, Jean-Baptiste Prévost, conseiller social et vie étudiante, Pascale Laborier, chargée de mission SHS, COMUE et vie universitaire et Bertrand Monthubert, chargé de mission Stratégie Nationale de l’Enseignement Supérieur.

[3] Par exemple, le taux de chômage des docteurs en France est trois fois supérieur à celui des autres pays de l’OCDE.

[4] Voir le Tumblr Ruines d’Universités (http://universiteenruines.tumblr.com/)

[5] Sélection : il y a du tirage à l’université, Libération, 15/07/2014

[6] Harvard University: 21260 étudiants, budget d’opération annuel 2014: 4,4 Md$

[7] CUNY: 269 000 étudiants

[8] Voir le rapport de SeM sur le CIR (http://sciencesenmarche.org/fr/blog/2015/04/08/rapport-de-sciences-en-marche-sur-lefficacite-du-cir/) et notre analyse du rejet du rapport sénatorial sur la réalité du détournement du crédit d’Impôt Recherche (http://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/06/22/reforme-du-credit-d-impot-recherche-une-occasion-manquee_4659352_1650684.html#Ctl8Kq10Ec0TkpCG.99).

[9] AEF Dépêche n°505930 du 31/08/2015

SeM au sommet du Mont Blanc: le récit de l’aventure

L’idée de porter le drapeau de Sciences en Marche au sommet du Mont Blanc est née avec le sondage sur les suites à donner au mouvement en juin. C’était également pour nous une façon de concilier notre amour de la science et notre passion de l’alpinisme. Après tout, tant la recherche scientifique que l’alpinisme nécessitent le goût de l’effort et du dépassement de soi. Et puis, qui sait, peut-être que de là-haut, notre Gouvernement nous entendra ? Le fait qu’une délégation Sciences en Marche rencontre le secrétaire d’État le même jour que notre ascension nous a beaucoup motivé !

Une fois l’idée émise, il a fallu réunir l’équipe. Le mot fut passé. Visiblement l’idée a séduit quelques alpinistes-chercheurs. Le challenge permit de réunir huit personnes. Doctorants, chercheurs, enseignant-chercheurs, enseignants, physique, biologie, écologie, sciences humaines… L’équipe est variée, aux compétences diverses mais complémentaires. Six femmes, deux hommes dont la plupart ne se connaissait pas…

Fanny Gascuel, doctorante en écologie (ENS Paris/Collège de France)

Adèle Gascuel, doctorante en lettres modernes (ENS Lyon)

Lionel Aigouy, chargé de recherche en physique (Laboratoire de Physique et d’Étude des Matériaux, Paris)

Anne-Soisig Steunou, chargée de recherche en microbiologie (Institut de Biologie Intégrative de la Cellule, CNRS, Gif-sur-Yvette)

Michèle Chevalier, maître de conférences en physico-chimie (Institut des Sciences Moléculaires, Université Paris Sud)

Guillaume Blanc, maître de conférences en astrophysique, (Laboratoire de l’Accélérateur Linéaire (Orsay), Université Paris Diderot)

Valérie Robin, professeur d’EPS (Briançon)

Alexia Coudray, professeur d’EPS (Orange)

Avec un été particulier en montagne, où la canicule a fait fondre certaines zones qui ne dégelaient jamais auparavant, beaucoup d’éboulements se sont produits en particulier dans le massif du Mont Blanc, rendant sa fréquentation dangereuse. La voie normale pour accéder au sommet du Mont Blanc passe par l’Aiguille du Goûter et franchit un couloir (le « Grand Couloir ») où les chutes de pierres sont fréquentes. Habituellement, il est facile de le traverser en étant attentif aux pierres qui tombent ; cet été, il était particulièrement dangereux, au point que le refuge du Goûter a été fermé pour dissuader les alpinistes de passer par là. La fin du mois d’août a vu des conditions météorologiques plus fraîches, le passage est redevenu fréquentable, le créneau que nous avions prévu pour faire l’ascension devenait possible. Le refuge du Goûter étant à réserver des mois à l’avance, les conditions incertaines d’un jour à l’autre, nous avons décidé de privilégier la souplesse et donc nous avions prévu de bivouaquer autour du refuge de Tête Rousse, 600 m plus bas. Mais en appelant le refuge le matin même, il restait des places en nombre suffisant, nous avons donc dormi au refuge, tout en montant notre nourriture.

Nous avions fixé la montée au refuge au mardi 25 août, lendemain d’une grosse perturbation qui a saupoudré les montagnes de neige au-dessus de 3500 m.  Le rendez-vous avec l’ensemble de l’équipe fut pris au Nid d’Aigle, entre ceux qui sont montés à pieds depuis Bionnassay, ceux qui sont venus en train à crémaillères de St Gervais, ou encore ceux qui sont montés en téléphérique depuis les Houches. Tous ensemble nous effectuons la montée de 900 m qui nous sépare encore du refuge. Cadre minéral, mais des myriades de bouquetins viennent saluer la foule des alpinistes qui montent.

Le refuge de Tête Rousse est dominé par l’Aiguille du Goûter sur laquelle trône le refuge du même nom, paroi qu’il faudra grimper le lendemain. Mais il est également dominé par la face nord, glaciaire, de la superbe aiguille de Bionnassay. Son horizon ouest est dégagé et donne sur les Aravis et la chaîne des Fiz. Après quelques volutes nuageuses dans les fonds de vallées, le temps est ici clair. Nous aurons droit à un somptueux coucher de soleil. Le refuge est plein à craquer, mais la foule bigarrée qui le fréquente (Mont Blanc oblige) rend la chose froide et impersonnelle. Mais nous sommes heureux d’être là, ensemble. Nous en profitons pour faire des photos avec l’Aiguille de Bionnassay en arrière plan et pour échanger sur nos domaines de recherche respectifs.

Mercredi 26 août : réveil à 3h. Petit-déjeuner au réchaud avec l’eau que nous avons été cherché la veille au niveau du bout de glacier qui subsiste à proximité. 4h, nous partons, harnachés de nos baudriers, le casque sur la tête. À la lueur des frontales, nous franchissons le fameux couloir sans encombre, avant de grimper dans les rochers faciles. Quelques câbles sont là pour aider, et le rocher poli par la multitude d’alpinistes passés là en crampons ne laisse aucun doute sur le chemin à suivre. Deux heures plus tard, nous arrivons sur l’arête de l’Aiguille du Goûter au niveau de l’ancien refuge. Le jour se lève et l’autre côté de l’arête révèle un spectacle comme seule la nature en est capable : la partie est du massif (Aiguille du Midi, Aiguille Verte, Droites, Courtes…) est littéralement embrasée dans des lueurs couleurs braises. La partie la plus technique est passée. Les frontales sont reléguées dans le sac, nous chaussons les crampons pour poursuivre tranquillement. Il suffit de suivre la trace dans la neige. Sur la pente du Dôme du Goûter, nous franchissons les 4000 m d’altitude. Sous le Dôme, nous sommes accueillis par le soleil, en plus de découvrir enfin la majestueuse face nord du Mont Blanc, que nous gravirons par son côté droit, l’arête des Bosses. Plus loin, au refuge Vallot (4362 m), Fanny, fatiguée, décide de s’arrêter pour nous y attendre. Nous poursuivons doucement jusqu’au sommet, l’altitude ralentissant le pas, le vent glacial mordant à travers les couches de vêtements. L’arête est sublime, succession de murs raides et de replats. Et puis, d’un coup, c’est le sommet, vaste, dominant le panorama, et… blanc !

Le temps est splendide, le panorama, bien qu’écrasé par le côté indéniablement culminant du sommet, est limpide. Il est environ 10h30.

Nous faisons la photo avec la banderole, avec vue d’un côté, puis de l’autre… Et l’envie de descendre pour retrouver un peu de chaleur fini par se faire sentir. S’ensuit la longue descente… Un arrêt à Vallot pour récupérer Fanny, puis repasser le Dôme, descendre sous l’Aiguille du Goûter, sans se déconcentrer. Pause au refuge de Tête Rousse pour boire un coup et récupérer quelques affaires. Et dernier tronçon jusqu’au Nid d’Aigle où nous prenons tous le train pour retourner dans nos vallées respectives.

Porter Sciences en Marche au sommet du Mont Blanc, outre le fait que c’est une belle course, demandant une bonne forme physique, est emblématique à plus d’un sens. D’une part, et la quantité d’alpinistes accrochés sur ses flancs, le sommet, toit de l’Europe Occidentale, le prouve, il bénéficie d’une aura certaine parmi le commun des mortels. Par ailleurs, il fait l’objet de permanentes études scientifiques : les chercheurs, qu’ils soient spécialistes des glaciers, de la physiologie de l’altitude, de l’atmosphère, etc, fréquentent régulièrement l’observatoire Vallot juste à côté du refuge des alpinistes, bâtiments construits à la fin du XIXe par le mécène scientifique Joseph Vallot. Et si l’étude du ciel n’y est plus d’actualité, l’astronome Jules Janssen avait tenté d’installer un observatoire du soleil au sommet de la calotte en 1893. Mais compte tenu des mouvements de la glace sur laquelle il prenait assise, au bout d’une quinzaine d’années à tenter de corriger son assiette, il finit par être englouti par la glace. Donc porter la bannière de Sciences en Marche au sommet, c’est aussi un clin d’œil à toute cette science qui se fait ou s’est faite là-haut. Rien ne peut arrêter la quête de connaissance scientifique, pas même la haute montagne (dans le respect de celle-ci), et les conditions peu humaines qui y règnent.

Au final, outre le succès de l’entreprise, nous avons tous vécu une courte mais intense expérience humaine. Par cette ascension, nous avons créé une solidarité entre nous, un lien que nous n’oublierons pas !

Résultats de l’appel à projets Générique 2015 de l’ANR: La France continue de négliger ses chercheurs

Créée il y a 10 ans, l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR) est progressivement devenue une source majeure de financements des projets des laboratoires par le biais d’appels d’offres annuels. Les résultats de son appel d’offres principal pour 2015 ont été publiés le vendredi 24 juillet (1). Ils illustrent la faible priorité que nos dirigeants accordent à la recherche scientifique.

Pour la deuxième année consécutive, moins de 10% des projets déposés par les laboratoires français sont financés. Le nombre de projets financés est même en baisse par rapport à 2014 (2). Les moyens récurrents alloués aux laboratoires par les universités et les organismes de recherche étant en repli constant depuis une dizaine d’années (3), ce sont encore moins d’équipes de recherche de notre pays qui auront les moyens de travailler.

Le nombre de projets soumis à l’appel 2015 est en repli de 18% par rapport à l’appel 2014 (6897 contre 8338 projets éligibles, respectivement). Cette baisse des soumissions reflète probablement la démobilisation de nombreux laboratoires face à des appels d’offres chronophages pour les chercheurs et dont le taux de succès est tellement faible que la sélection en devient arbitraire.

Comment comprendre que les gouvernements successifs persistent dans une politique qui prive les scientifiques des moyens d’accomplir les missions pour lesquelles ils ont été recrutés ? Des études ont pourtant montré que la concentration des financements sur un petit nombre d’individus ou d’équipes est moins efficace qu’une répartition plus égalitaire et diversifiée (4). De plus, la multiplication des structures de financement de la recherche a un coût de gestion important: pour l’ANR, il était 33 M€ pour l’année 2014.

Pour Sciences en Marche, il est urgent de rééquilibrer le financement des laboratoires en renforçant très fortement les crédits récurrents attribués par les tutelles et en réduisant en conséquence la proportion du financement par appel d’offres. Par ailleurs, l’analyse que nous avions faite en 2014 (5) n’a rien perdu de son actualité. Sans un effort financier majeur, que nous estimons à 2 Md€/an, le lent déclin de la recherche et l’enseignement supérieur français et la précarisation des personnels se poursuivront. Une réforme du Crédit Impôt Recherche permettrait de dégager les moyens financiers nécessaires.

Notre société et le monde qui nous entoure vivent actuellement des transformations sociales, technologiques et environnementales d’une ampleur et d’une rapidité inédite. Seule une recherche académique et un enseignement supérieur publics de qualité permettront de relever le défi de ces changements.

Par exemple, au moment où la France s’apprête à accueillir la conférence internationale sur le climat (COP21), il convient de rappeler que les efforts diplomatiques ne pourront limiter le dérèglement climatique que s’ils s’accompagnent d’un investissement scientifique majeur dans de très nombreuses disciplines. Nos dirigeants y sont-ils prêts?

  1. http://www.agence-nationale-recherche.fr/financer-votre-projet/appel-a-projet-generique-actualites
  2. 667 projets nationaux ont été financés cette année, contre 711 en 2014.
  3. Bien loin de la sanctuarisation affichée des budgets de l’Enseignement Supérieur et la Recherche, c’est bien à une décroissance constante des budgets que nous assistons actuellement comme l’indique un récent rapport sénatorial : http://www.senat.fr/rap/l14-604-2/l14-604-21.pdf (pages 339 et suivantes)
  4. « La concentration des fonds de recherche et ses effets », 2013, Vincent Larivière, http://www.acfas.ca/publications/decouvrir/09/2013; et « Big Science vs. Little Science: How Scientific Impact Scales with Funding » 2013, Jean-Michel Fortin, David J. Currie, PLoS ONE 8(6): e65263, http://dx.doi.org/10.1371/journal.pone.0065263
  5. http://sciencesenmarche.org/fr/financement-des-laboratoires

Participez aux actions de Sciences en Marche à l’automne

L’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) subissent de plein fouet la politique d’austérité et ne sont clairement pas favorisés par notre gouvernement. Cette austérité n’est pas une fatalité. Sciences en Marche a largement contribué à montrer qu’une redéfinition des contours du Crédit Impôt Recherche permettrait de dégager plus de 2 Md€ par an. Cette somme pourrait être redéployée vers l’ESR afin de permettre aux établissements d’accomplir leurs missions dans des conditions matérielles et humaines correctes, sans pour autant nuire à la R&D privée.

Un sondage a été lancé il y a quelques semaines par Sciences en Marche afin de préparer les prochaines actions de défense de l’ESR. Plus de 900 personnes y ont déjà répondu et il est encore temps de le faire ICI. Environ 90% des sondés souhaitent participer à une action à l’automne. L’ensemble des résultats est disponible ICI.

Pour porter nos revendications, Sciences en Marche organisera cette année des marches originales et visibles dans des lieux emblématiques des différentes villes universitaires tels que des relais sur une journée. Ces actions débuteront en parallèle de la Fête de la Science le 5 octobre et se poursuivront jusqu’au 16 octobre. Il y aura également des rencontres avec le public : débats citoyens, conférences de vulgarisation, ateliers scientifiques ; une fête de la Science en OFF illustrant l’importance de soutenir l’ESR pour comprendre, connaître et maîtriser notre monde en changement.

Pour lancer notre mobilisation, Sciences en Marche sera présent dès cet été sur le parcours du tour de France et plantera son drapeau au sommet du Mont Blanc.

Le point d’orgue de cette mobilisation sera le vendredi 16 octobre avec une grande manifestation nationale à Paris et dans les principales villes de France.

C’est à ce moment qu’il faudra se faire entendre, juste avant le débat parlementaire de la loi de finances 2016, et la conférence internationale sur le climat (COP21) de fin novembre à Paris. Une seconde manifestation sera d’ailleurs organisée entre les 16 et 22 novembre, soit environ 10 jours avant COP21, pour défendre le budget de l’ESR.

Dès maintenant, diffusez cette lettre et le sondage autour de vous. En septembre, nous comptons sur votre participation aux réunions pour vous informer du programme de Sciences en Marche dans votre ville et de comment vous serez amenés à y participer. Vous voulez nous aider à préparer ces actions dès à présent ? Contactez-nous à contact@sciencesenmarche.org.

Calendrier inscrits_v3

Lettre ouverte à Thierry Mandon, Secrétaire d’Etat à l’ESR

Monsieur le ministre,

Vous venez d’accepter le défi considérable de conduire la politique française en matière d’Enseignement Supérieur et de Recherche (ESR). C’est une tâche qui va requérir de votre part d’être à la fois visionnaire sur le long terme et pragmatique sur le court terme.

Au moment où vous prenez vos fonctions, la situation de l’ESR en France continue de se dégrader. Ce constat est partagé par de très nombreux acteurs du domaine (Comité National de la Recherche Scientifique, Comité National Universitaire, Directeurs d’unités de recherche, Conférence de Présidents d’Universités ou de Grandes Ecoles, syndicats, Académie des Sciences, associations et collectifs). Le collectif « Sciences en Marche » souhaite par cette lettre attirer votre attention sur les résultats négatifs majeurs de la politique menée dans l’ESR depuis 10 ans et vous soumettre les solutions qui, selon nous, s’imposent pour redonner de l’enthousiasme aux acteurs de l’ESR, élargir nos champs de connaissance, diversifier nos potentiels d’innovations et aussi participer à l’inversion de la courbe du chômage.

Les dernières années ont été marquées par le choix politique de faire évoluer l’organisation du système d’enseignement supérieur et de recherche français vers un modèle fondé sur le financement sur projet, l’emploi contractuel, les crédits incitatifs, le tout dans le but de favoriser “l’excellence”. Ce modèle a fait récemment l’objet de nombreuses critiques, en France, par le comité d’éthique du CNRS, mais aussi aux Etats-Unis, où des membres de l’Académie des Sciences américaine ont alarmé sur les effets dévastateurs d’une telle politique sur la recherche biomédicale. En France, loin de l’excellence, voici la situation dont nous sommes quotidiennement les témoins.

Dans le domaine de la recherche, une décennie de réduction des dotations d’Etat aux laboratoires a abouti à une situation où ces derniers ne peuvent plus fournir aux chercheurs les moyens d’accomplir la mission pour laquelle ils ont été recrutés. Le discours officiel veut que cette baisse ait été compensée par la mise en place d’un financement sur projets, via l’Agence Nationale de la Recherche en particulier, et via les Programmes d’Investissements d’Avenir, mais le compte n’y est pas. Après plusieurs années de fonctionnement, les effets pervers du nouveau système ainsi que son coût financier sont clairs. Les réformes successives ont conduit à un système d’une incroyable complexité administrative, les nouvelles structures venant généralement se superposer aux anciennes. Résultat : les chercheurs perdent un temps colossal et toute leur énergie en formalités administratives diverses, pour la rédaction, l’évaluation, et la gestion des projets. En période de pénurie, les domaines s’affrontent, ceux dont les thèmes sont « à la mode » sont favorisés au détriment de ceux qui sont considérés comme moins prioritaires ou dont les développements s’effectuent sur des échelles de temps incompatibles avec les modalités de financement. Au niveau individuel, cette compétition entre chercheurs, inutile et mal pensée, conduit à renforcer les comportements individualistes ou opportunistes dans un domaine où la collaboration, la rigueur intellectuelle et le travail de fond devraient être la règle. A ce jeu, il y a peu de gagnants, beaucoup de démotivés, et la tentation de fraude scientifique augmente quand la recherche des moyens devient la première préoccupation.

Cette envolée de la part de financement sur projet a conduit à un autre effet délétère : l’explosion de l’emploi à durée déterminée (CDD) dans la recherche publique. Dans certains instituts du CNRS, le CDD est désormais le statut le plus répandu et la situation ne risque pas de s’améliorer. Près de 50% des contrats de l’ANR, ou des projets d’Investissements d’Avenir sont consacrés au recrutement de techniciens, ingénieurs, administratifs ou chercheurs contractuels. Ainsi, ce sont entre 50000 et 70000 jeunes qui sont ou seront employés sur des contrats sans avenir. L’emploi contractuel a sa place dans le système de recherche comme ailleurs, mais le recours massif à cette solution créé nécessairement une situation insoutenable à long terme, et détestable maintenant : le spectacle de ces organismes qui cherchent à éviter leur obligation légale de titulariser des collaborateurs n’est-il pas honteux ?

Dans l’enseignement supérieur aussi, les politiques budgétaires imprévisibles viennent à bout de la motivation et du dévouement des professionnels. La Loi Responsabilité des Universités (LRU) de 2007, notamment, a conduit un grand nombre d’entre elles à des difficultés financières telles qu’elles ne sont plus en mesure de fournir aux étudiants des conditions d’accueil décentes. Les locaux dégradés, les salles de cours sans chauffage et surchargées, le manque patent d’enseignants pour assurer les travaux dirigés et pratiques, sont désormais le lot quotidien de nombreux étudiants à travers la France. Bon nombre de cours sont assurés par des salariés en situation précaire, contraints de jongler entre la préparation de nouveaux cours à chaque contrat, leurs activités de recherche, et la recherche d’un emploi stable. Quand aux enseignants-chercheurs titulaires, ils sont souvent submergés par les tâches administratives qui s’accumulent, et qu’un personnel administratif en sous-effectif chronique et sans perspective de carrière ne peut assumer correctement. Vous qui déclarez vouloir favoriser l’accès de tous aux connaissances (Le Parisien, 17 juin 2015), ne pensez-vous pas que l’égalité des chances dans le domaine de l’éducation implique en premier lieu de proposer des conditions décentes de formation à tous les étudiants ? A quoi bon augmenter le nombre de diplômés, si l’Etat ne se donne pas les moyens de dispenser des formations de qualité

A ces constats, il faut ajouter le fait que les perspectives offertes aux jeunes dans la recherche et l’enseignement sont bien sombres. D’une part, la baisse des crédits et le faible nombre de départ en retraite dans l’ESR conduit à fortement diminuer le nombre de postes mis au concours dans les organismes publics, les universités ou écoles. D’autre part, les contacts entre recherche privée et publique restent globalement beaucoup moins développés en France que dans les autres pays. En France, le chômage des jeunes docteurs est trois fois supérieur à la moyenne de l’OCDE. Sans reconnaissance dans la haute administration et dans le secteur privé de la valeur des jeunes que les laboratoires forment, la majorité d’entre eux ne pourront avoir d’avenir à la hauteur de leurs talents. N’est-il pas paradoxal que la France paye pour la formation de jeunes chercheurs de haut niveau et fasse ensuite tout pour les éloigner de la recherche, ou les maintenir dans des emplois subalternes, au moment même où leurs contributions pourraient être des plus utiles ?

Monsieur le Ministre, la situation grave que nous vous décrivons aujourd’hui démontre que les politiques “d’excellence” à court terme et à moindre cout ont échoué, car elle ne tiennent pas compte de ce que signifie enseigner et faire de la recherche, au quotidien comme à l’échelle d’une carrière. Former des étudiants prend du temps, et implique l’enseignement de matières qui n’ont pas toutes d’utilité économique immédiate mais participent de la construction d’un individu et de ses aptitudes. Chercher, découvrir sont des activités qui reposent sur un équilibre subtil entre collaboration et effort individuel, entre patience et réactivité, un équilibre propre à chaque thématique qu’il faut respecter et apprécier au cas par cas. La valeur d’un travail de recherche ne se mesure pas uniquement au nombre de brevets ou de publications. Les différentes disciplines ont toutes leurs spécificités qu’il faut savoir apprécier, tant pour leur développement que pour leur enseignement. Vouloir forcer leur marche en imposant un modèle unique d’encadrement et d’évaluation nous expose à un appauvrissement rapide de nos connaissances et de nos réalisations futures. Ce serait particulièrement délétère à un moment où ces connaissances et savoir-faire sont cruciaux pour faire face à l’accélération des changements sociaux, technologiques et environnementaux que nous vivons. A l’inverse, c’est la diversité qu’il faut toujours favoriser.

Nous pensons que trois mesures s’imposent pour redonner à la France un système d’enseignement supérieur et de recherche florissant, juste et ambitieux:

- Il faut en premier lieu redonner aux organismes de recherche et aux universités les moyens financiers d’accomplir leurs missions de recherche et d’enseignement sur le long terme. Pour cela nous proposons d’augmenter de manière significative la part de financements récurrents dans les budgets de ces établissements.

- De plus, un plan pluriannuel d’emploi statutaire dans l’ESR est nécessaire pour résorber la précarité, et redonner une attractivité aux métiers scientifiques.

- Ce plan doit être accompagné d’une politique de développement de l’emploi scientifique dans le secteur privé, et d’un effort de reconnaissance de la valeur du doctorat d’université dans des contextes professionnels variés.

Dans tous les cas, il n’est aucune réforme qui puisse maintenir le système en état de fonctionnement décent si l’Etat n’assume pas ses responsabilités financières et ne fournit pas de moyens supplémentaires. Sciences en Marche a évalué cet effort budgétaire à 2 milliards d’euros supplémentaires par an. Les moyens existent, il suffirait d’un peu de courage politique pour les dégager. Il a été démontré plusieurs fois que le Crédit Impôt Recherche, dont le coût pour 2014 est estimé à 6 milliards d’euros, est largement détourné par certaines entreprises. Mettre fin à cette fraude fiscale permettrait de satisfaire les besoins de l’ESR. Malgré nos critiques, celles de la Cour des Comptes et celles de l’OCDE, le gouvernement a choisi de maintenir ce dispositif en l’état.

Monsieur le Ministre, vous avez certainement accepté votre mission en connaissant les difficultés que traverse le domaine dont vous avez maintenant la responsabilité. Nous espérons que vous aurez l’ambition de respecter les besoins, les réalités, et les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, et que vous saurez rompre avec ces politiques qui encouragent le glissement de ce secteur vers l’inefficacité et la médiocrité et qui favorisent l’individualisme, avec tout ce que cela comporte comme risques pour la société de demain.

Sciences en Marche

Lettre N°9: quelles actions pour Sciences en Marche en 2015?

PRÊTS POUR DE NOUVELLES ACTIONS ?

Alors remplissez le sondage en ligne ICI.

Merci de faire circuler cette lettre et ce sondage à l’ensemble des membres de votre équipe, unité, département, service, etc. !

 

SCIENCES EN MARCHE EN 2014, c’était :

* 3 revendications : augmentation des crédits récurrents, augmentation des emplois scientifiques statutaires, reconnaissance du doctorat dans le privé et l’administration hors ESR.

* Plus de 5000 inscrits à notre liste de diffusion et plus de 3500 membres de l’association loi 1901

* Le soutien de plus de 150 laboratoires de recherche, 18 universités, 27 sociétés savantes.

* Des milliers de kilomètres parcourus à vélo, à pied, en kayak par plus de 1000 universitaires, scientifiques, personnels techniques et administratifs de ville en ville jusqu’à Paris.

* 8000 personnes rassemblées à Paris à l’arrivée des cyclistes le 17 octobre avec le soutien de l’intersyndicale de l’ESR et en coordination avec la pétition Urgence Emploi Scientifique.

* Des ateliers scientifiques organisés dans de nombreuses villes au passage des scientifiques.

* Des dizaines d’interventions dans des émissions radiophoniques et télévisuelles, une visibilité importante dans les média audiovisuels et la presse.

* 3 sites internet dont 2 grand public : « Pourquoi les sciences » et le TUMBLR « Ruines d’universités »

* Des comptes Twitter et Facebook suivis par plus de 5500 personnes et associations dont de nombreuses associations de promotion des sciences.

 

Sans aucun doute, sans toute cette mobilisation, les budgets de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche auraient été encore plus réduits qu’ils ne le sont actuellement.

SCIENCES EN MARCHE EN 2015, c’est :

* Les même demandes qu’en 2014, car la situation ne s’est pas améliorée.

* Une cible politique claire : l’examen du projet de loi de finances 2016 qui s’étendra jusqu’à la mi-décembre avec un dépôt du projet de loi autour du 1er octobre

* Des analyses critiques et rigoureuses des chiffres gouvernementaux. La première analyse porte sur l’impact et le détournement du Crédit Impôt Recherche, et a été fortement relayée par les média.

* Une collaboration avec les députés et sénateurs qui partagent notre vision pour déposer des amendements à l’automne sur le CIR et le budget 2016 de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

* à l’automne, une série de mobilisations à définir ensemble.

* La conduite de cette action de façon synergique avec l’ensemble des organisations et des associations qui défendent l’ESR en France.

* La coordination de cette action avec d’autres pays européens via l’Euroscientist et suite à la pétition « Ils ont choisi l’ignorance » qui a recueilli le soutien de 19 000 scientifiques et universitaires.

* Des actions autour des régionales 6 et 13 décembre et de la conférence internationale sur le climat (COP21), un enjeu sociétal et scientifique majeur.

* Donc au total : La volonté de se faire entendre encore plus fort qu’en 2014 pour encourager et/ou contraindre les députés, sénateurs et candidats aux régionales à prendre des mesures significatives en faveur de l’Enseignement Supérieur et la Recherche.

 

Les discussions budgétaires de l’automne 2015 seront sans doute encore plus tendues qu’en 2014. L’austérité est de mise dans notre secteur. Malgré l’affichage de l’importance de la recherche et de l’innovation, les faits ne suivent pas. Le passage d’un ministère de l’ESR à un secrétaire d’Etat au printemps 2014, puis le non remplacement de la secrétaire d’Etat au printemps 2015 sont des marques de mépris évidentes et sont inquiétants au moment où les lettres de cadrage pour le budget 2016 sont envoyées aux ministères, et alors que le ministère des finances a ciblé l’ESR comme un domaine où des économies pourraient être faites.

 

Dans ces conditions, pas de coup de frein pour Sciences en Marche. L’expérience du rapport sur le CIR montre que nous pouvons avoir un impact et inquiéter. Cet impact, cette inquiétude, il nous faut les amplifier cet automne, lorsque l’actualité politique sera riche.

PRÊTS POUR DE NOUVELLES ACTIONS ? PRÊTS À CONTRIBUER À DÉFINIR LEURS CONTOURS ?

Exemple de calendrier :

On démarre lors de la Nuit européenne des chercheurs vendredi 25 septembre 2015

On poursuit sur la Fête de la Science du mardi 6 octobre au dimanche 11 octobre 2015.

On reste mobilisés avec des journées d’actions d’envergure ou ponctuelles jusqu’à la fin du débat parlementaire.

 

Les actions :

Vous avez été près de 10 000 à vous mobiliser l’an dernier, il faut dépasser ce chiffre cette année : aidez-nous à préparer les actions de l’automne de Sciences en Marche en donnant votre avis : Vous même ou les collègues que vous connaissez, êtes vous:

 

Prêts à marcher ? Ex: Ascension du Pic du Midi, du Mont-blanc, du Puy de Dôme, de la butte Montmartre?

Prêts à pédaler ? Jusqu’à Paris ? En relais ? Autour des villes universitaires ?

Prêts à vulgariser ? Dans votre ville, dans ses alentours ? En itinérant ? Des journées labos ouverts ?

Prêts à organiser des réunions d’information ou des assemblées dans votre laboratoire de recherche ou votre université pour amener le plus de collègues à discuter entre eux ?

Prêts à manifester ? A participer à des journées universités/laboratoires morts ?

Prêts à rencontrer et débattre avec des politiques, des élu-e-s ? A participer à des débats citoyens ayant la question de la recherche et de l’ESR comme thématique centrale?

Prêts à d’autres types d’action? Laissez parler votre imagination !

Prêts à vous mobiliser sur 1 journée ? Sur 2 ou 3 jours ? Les week-ends, ou en semaine?

 

Dites-nous tout en répondant au sondage en ligne ICI.

 

Dès à présent, réservez vos dates, et aidez-nous en participant à la nouvelle collecte de DONS de Sciences en Marche.

 

Sans expérience, sans relais, mais avec votre enthousiasme, votre motivation et votre imagination, nous avons réussi en 2014 à imposer la question de l’ESR dans le débat politique. Forts de cette expérience, nous avons maintenant les relais nécessaires pour nous imposer, grâce à votre mobilisation, dans le débat budgétaire de l’automne 2015. Votre contribution est cruciale !

 

Pétition « ils ont choisi l’ignorance » et initiative européenne du 12 mai

Sciences en Marche s’associe aux auteurs de la lettre ouverte « Ils ont choisi l’ignorance » pour renforcer cette pétition européenne dans le but de la présenter à la prochaine conférence ministérielle sur le processus de Bologne à Erevan en Arménie les 14 et 15 mai prochain.

Lancée par des scientifiques de plusieurs pays européens à l’automne dernier en même temps que l’action nationale de Sciences en Marche, cet appel montre que, malgré l’hétérogénéité des situations que connait la recherche scientifique dans chaque pays, les politiques destructrices qui y sont suivies présentent de fortes similitudes. Cette analyse critique, présentée dans Nature et publiée simultanément dans de nombreux journaux en Europe a recueilli à ce jour plus de 18 000 signatures et le soutien d’une quarantaine d’organisations scientifiques comptant plus de 100 000 membres.

 Des actions en France auront lieu le 12 mai en lien avec cette initiative.

En effet, l’intersyndicale de l’Enseignement Supérieur et la Recherche, à laquelle Sciences en Marche s’associe, organise une journée française dans le cadre de la mobilisation européenne des personnels universitaires et de la recherche scientifique lancée par l’internationale de l’éducation à l’occasion de cette réunion des gouvernements européens à Erevan.

Consultez les sites des comités locaux de Sciences en Marche pour connaître les actions prévues le 12 mai et y participer. D’ici là nous vous encourageons à lire, divulguer et signer la pétition « Ils ont choisi l’ignorance ».

Lettre aux inscrits N°8

Lettre aux inscrits n°8

 

Bonjour,

Cette lettre se focalise sur l’action de Sciences en Marche pour une réduction de la créance du Crédit Impôt Recherche, que nous voyons à la fois comme nécessaire d’un simple point de vue d’éthique politique, et comme la meilleure piste pour accroitre le soutien gouvernemental à l’Enseignement Supérieur et la Recherche.

Vous trouverez dans cette lettre:

C’est grâce à votre mobilisation, notamment à l’automne dernier, que SeM peut porter ses revendications devant notre représentation nationale. Nous comptons sur vous pour participer aux prochaines actions que nous préparons pour que les revendications de SeM soient entendues.

Bonne lecture!

 

COMPTE RENDU DE L’AUDITION DE SCIENCES EN MARCHE PAR LA COMMISSION D’ENQUÊTE SÉNATORIALE

Jeudi 19 mars 2015 une délégation de Sciences en Marche (SeM) composée de P. Lemaire (CNRS, Montpellier), E. Riot (U. Reims, Laboratoire REGARDS) et F. Métivier (U. Paris Diderot & IPGP) a été entendue pendant une heure par la commission d’enquête parlementaire, représentée en l’occurrence par seulement trois sénateurs : le président M. Delattre (UMP), la rapporteure Mme Gonthier-Maurin (CRC), et une vice-présidente, Mme Bouchoux (EELV). SeM a présenté son analyse de l’efficacité du dispositif depuis sa réforme en 2008 jusqu’à l’année 2012 que vous pourrez trouver dans son intégralité ici. Le diaporama complet de la présentation est téléchargeable ici. Cette étude a fait la Une de Médiapart le 8 avril 2015 et celle de l’Humanité le 17 avril 2015.

  1. Concernant l’emploi des personnels de R&D.
    • 82 % (~25000) des emplois créés par les entreprises en R&D sur cette période l’ont été par des entreprises de moins de 500 salariés alors que ces entreprises n’ont bénéficié que de 37% de la créance (~ 9Md€).
    • 18% des emplois (~5500) en R&D ont été créés par des entreprises de plus de 500 salariés qui ont bénéficié de 67% de la créance (~ 15Md€);
    • 80% des emplois créés par les PME l’ont été dans deux branches de services dont les activités de R&D sont en partie sujettes à caution.
    • Seules 8% des entreprises bénéficiaires du CIR ont eu recours au dispositif favorisant l’emploi des docteurs. Ce dispositif n’empêche donc en rien la progression du chômage et la désaffection progressive pour les études et la recherche chez toute une génération d’étudiants.
  2. Concernant les dépenses de recherches.
    • Les grandes entreprises détournent de façon persistante une part importante du CIR de son objectif d’accroissement des dépenses de R&D. On peut ainsi estimer que 6Md€ sur les 15Md€ perçus n’ont pas été utilisés dans l’objectif affiché d’accroître les dépenses de recherche des entreprises de plus de 500 salariés.
    • Les PME, à l’inverse, ont bien investi l’argent reçu afin d’accroître leurs dépenses en proportion. Un surplus d’investissement de la part de ces entreprises est même probable.
  3. Concernant les risques de fraudes.
    • La prolifération des cabinets de conseils, qui facturent jusqu’à 50% de la créance aux PME qu’ils aident à remplir leurs déclarations, et ne sont pas tenus responsables en cas de redressement fiscal, est de nature à inciter à la fraude au détriment des PME.
    • En 2007, soit un an avant la réforme, l’augmentation spectaculaire des recrutements de cadres de R&D déclarés par les entreprises à l’APEC n’est pas corrélée à une augmentation du recrutements des chercheurs. Les dépenses de 2007 ayant servi au calcul de la créance de 2008, année de la réforme, il est probable qu’un nombre important de cadres (administratifs ou autres) ont été requalifiés en R&D afin d’accroître l’assiette des déclarations pour le CIR.
  4. Concernant les liens entre Recherche publique et industrie.
    • La faiblesse du recrutement des docteurs, la non reconnaissance du doctorat par les conventions collectives sont autant de freins à une collaboration fructueuse entre les deux univers.
    • L’Allemagne qui ne dispose pas d’un CIR fait mieux dans tous les domaines (dépenses, emplois, innovation) que la France.

 

SeM a donc montré que l’efficacité du dispositif, tant vantée par les gouvernements successifs, apparaît au mieux restreinte aux PME et à elles seules. Des comportements opportunistes ont conduit au détournement de plusieurs milliards d’euros de leur objectif notamment par les grandes entreprises.

Ces pertes de recettes pour l’État se sont faites au détriment du développement, voire du maintien, d’une recherche et d’un enseignement supérieur de qualité en France. À titre d’exemple, à ce jour, les universités françaises ne connaissent toujours pas leur budget pour l’année 2015. En effet, le ministère des finances réclame 100M€ d’économies supplémentaires au MENESR (sur un budget 2015 déjà en baisse par rapport à 2014) et met ainsi ce dernier dans une posture très délicate vis-à-vis des établissements d’enseignements supérieurs. La Conférence des Présidents d’Université a récemment indiqué qu’une telle ponction conduirait à la fermeture de cursus universitaires. Les représentants de SeM ont pointé le caractère dérisoire de cette somme par rapport aux créances d’impôt CIR détournées.

 

APPEL À TÉMOIGNAGE SUR LES UTILISATIONS FRAUDULEUSES DU CRÉDIT IMPÔT RECHERCHE

 

La publication du rapport de Sciences en Marche sur l’impact du CIR a suscité un intérêt important auprès des journalistes (de presse écrite ou audiovisuelle) qui cherchent à rentrer en contact avec des personnes susceptibles de témoigner de la déclaration ou de l’utilisation frauduleuses du CIR. Ils cherchent en particulier des exemples précis et si possible chiffrés de dérives inacceptables. Plusieurs articles ou émissions sont en préparation, le détournement de plusieurs milliards d’euros dans le contexte budgétaire serré actuel étant un sujet d’intérêt général.

 

Si vous pouvez apporter un témoignage, ou si vous connaissez quelqu’un susceptible de le faire, contactez-nous par courriel (contact@sciencesenmarche.org) et nous vous mettrons en contact avec les rédactions.